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pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. Les idées les plus importantes en logique, en éthique et en religion devaient ainsi être fondées par des instincts naturels de la façon indiquée. Herbert ne donne que des indications. Le rapport des vérités premières avec l’instinct naturel n’est pas clair. On peut évidemment ajouter par la pensée une foule de moyens termes psychologiques entre l’instinct et les vérités premières. Il s’agit de comprendre (pour employer des expressions modernes) comment la lutte pour l’existence peut amener à établir certaines idées comme valables par elles-mêmes. Mais Herbert ne recherche pas ces moyens termes, et il va même jusqu’à laisser entendre parfois que les instincts naturels et les vérités premières reviennent au même.

Herbert fait front de trois côtés. Premièrement, contre ceux qui placent la foi au-dessus de la connaissance et entendent par foi seulement ce que croit leur secte et ce qu’elle cherche à faire accepter sous menace de peines dans la vie future. D’ordinaire s’allie à ce sentiment la croyance en la perversion de la nature ; croyance impie, car elle contredit la Providence qui se manifeste dans les instincts naturels. Deuxièmement, il se tourne contre ceux qui veulent tout prouver par la voie du raisonnement (discursus luxuriosus). Ce pédantisme d’école ne voit pas que l’instinct naturel ainsi que le sens interne et le sens externe sont supérieurs à la raison. L’instinct se manifeste avant que la faculté de raisonnement ne s’éveille et il agit indépendamment de cette faculté ; il existe chez tous, agit sans hésitation et de façon absolument sûre ; c’est la condition nécessaire de la conservation personnelle. Troisièmement, il prend parti contre ceux qui font dériver toute connaissance des sens et admettent que notre esprit est à l’origine une table rase (tabula rasa). Ces idées fondamentales sont justement les conditions indispensables pour faire des expériences ! Et les objets eux-mêmes ne pourraient pourtant pas avoir pour effet de nous faire réagir sur eux ! La concordance des idées chez les hommes démontre l’existence d’un instinct naturel, qui peut aussi se déduire de la bonté divine, car Dieu ne saurait laisser l’homme abandonné à lui-même.

La religion naturelle s’appuie précisément sur cette base