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avait émises en matière de théologie et de démonologie et qu’il ait fait exprimer ce doute par Senamus, sans pouvoir se former une conception nouvelle fondée sur le langage qu’il lui prête.

L’idée de la religion naturelle fut présentée au grand public sous une forme complètement développée par Lord Herbert de Cherbury dans son ouvrage De Veritate (1624). Ainsi qu’Althusius, Grotius, Coornhert et Bodin, c’était un homme d’État qui prenait part aux affaires publiques de son temps et qui avait ainsi l’occasion de faire des expériences et des comparaisons étendues. Il appartenait à une famille noble du pays de Galles ; ses aïeux étaient de vaillants chevaliers et il ne démentait pas pour sa part leur esprit belliqueux. La guerre et les duels sont un des thèmes principaux de sa biographie. Son épée ne tenait guère dans le fourreau, bien qu’il prétende ne l’avoir tirée que pour les autres. Il naquit en 1582 ou 1583, et reçut une éducation soignée qu’il ne cessa de cultiver pour son compte. Son vœu était de devenir cosmopolite. Après s’être marié à l’âge de seize ans avec une riche héritière, il vint étudier à Oxford et se rendit ensuite à la Cour. Plus tard, il fut au camp de Maurice d’Orange, entreprit des voyages en Allemagne et en Italie, puis fut pendant un certain nombre d’années ambassadeur d’Angleterre en France. Il n’oublia pas pour cela ses « chères études » ni à la Cour, ni au camp, ni dans sa situation de diplomate. Il acheva son livre célèbre à Paris, où il le fit lire entièrement par Grotius. Malgré le jugement très favorable que Grotius porta sur lui, Herbert hésitait beaucoup à le publier, sachant qu’il rencontrerait une résistance considérable. Un jour qu’il était assis, perplexe, dans sa chambre ouvrant sur le midi, il résolut de provoquer une fin surnaturelle de ses scrupules. Son livre à la main, il tomba à genoux en priant Dieu, créateur de la lumière du jour et source de toute lumière de l’âme, de lui faire un signe pour l’encourager à publier son ouvrage ; si le signe ne se produisait pas, il supprimerait le livre. Aussitôt un faible son descendant du ciel serein se fit entendre qui ne ressemblait pas à un bruit de la terre, et dès lors, rassuré, il fit paraître le livre10. Cet événement n’est pas, comme on l’a dit, en contradiction avec la conception qu’Herbert développe dans cet écrit. Il admet en