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Comme Bodin n’a pas laissé directement entendre quels sont les personnages qui répondent à ses propres idées, on a émis à ce sujet diverses opinions. Pendant un certain temps, on penchait à croire que Bodin sympathisait avec le judaïsme, dont le représentant est peint avec une force et une connaissance particulières. Mais si l’on tient compte de ce que l’on sait par ailleurs de la tendance religieuse de Bodin, et si on le rapproche des citations faites au cours des dialogues, on aboutit à un autre résultat. On possède une lettre de Bodin à un de ses amis, écrite à une époque antérieure, où il s’exprime dans l’esprit du théisme universel, ainsi que nous le savons déjà. « Ne te laisse pas induire en erreur, écrit-il, par les différentes opinions sur les religions. Crois fermement en ton esprit que la vraie religion n’est que la conversion d’une âme purifiée vers le vrai Dieu. » « Telle est ma religion, ou plutôt la religion du Christ. »

Il montre ensuite que les hommes erreraient dans des ténèbres étemelles, s’il ne s’élevait de temps en temps des hommes sublimes pour leur montrer la voie. De ceux-ci sont, outre les patriarches et les prophètes juifs, les sages grecs et romains. Il vante surtout Platon d’avoir proclamé l’idée de Dieu et de l’immortalité de l’âme. Ce qu’il a annoncé, le Christ l’a achevé, et après lui des hommes d’élite ont agi dans son esprit. Cette idée de la continuation de la révélation par une suite de sages, tant avant qu’à côté des religions mosaïque, chrétienne et musulmane, ressort aussi des paroles de l’un des deux personnages de l’ « Heptaplomeres » qui défendent le théisme universel. Toralba démontre que la meilleure religion doit nécessairement être la plus ancienne.

Le premier homme tient sa connaissance et sa piété de Dieu lui-même. La croyance en un Dieu, d’après le témoignage de la Bible, précède la religion juive. Telle est la religion d’Abel, d’Enoch et de Noé, telle est la religion de Job.

Après avoir délaissé cette religion naturelle, qui est inculquée aux hommes en même temps que la raison, (cum recta ratione mentis humanis insita) on s’est égaré dans des labyrinthes compliqués. La loi naturelle et la religion naturelle suffisaient ; les autres religions (celle des Chrétiens, des Juifs,