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Adolphe avait toujours le livre de Grotius dans sa tente. L’autorité de Grotius retint, dit-on, Louis XIV d’exécuter sa menace de ne faire aucun quartier dans la guerre de Hollande ; de même, l’indignation causée par la dévastation du Palatinat, ne se serait pas, de l’avis général, élevée avec tant de force si l’ouvrage de Grotius n’eût auparavant éveillé un courant contraire. Et de nos jours encore, dans la plupart des États, les instructions des officiers en temps de guerre partent en majeure partie des règles posées dans le traité de Grotius8), règles que nous n’analyserons cependant pas dans le détail. Il importait seulement de montrer que le célèbre philosophe juriste et que le théoricien du droit des gens a sa place marquée parmi ceux qui découvrirent l’Humain.

C’était alors un problème important du droit public et du droit des gens, que de savoir si l’on pouvait punir des hommes pour leurs opinions religieuses, et si un État pouvait, pour une question de religion, faire la guerre à un autre État. Au premier point de vue, Althusius prenait une position strictement confessionnelle, et pour ce qu’était la conception générale du deuxième point, les guerres de religion en font foi. Grotius commence par se demander ce que l’on doit entendre par vraie religion. Ce doit être celle qui est commune à tous les contemporains ; elle a pour fond : unité et invisibilité de Dieu, Dieu créateur et conservateur de toutes choses. Ces opinions peuvent se prouver naturellement et leur propagation générale témoigne en outre de l’existence de vieilles traditions. L’existence de Dieu, (soit qu’on admette un ou plusieurs Dieux), et l’action d’une Providence sont du moins des vérités évidentes par elles-mêmes, universellement répandues et moralement nécessaires. Ceux qui les contestent, portent atteinte à la société humaine et doivent être punis. On ne peut faire la guerre pour des raisons religieuses à un peuple étranger que si son culte de Dieu a un caractère immoral et inhumain. À la question de savoir si un peuple peut être combattu pour ne pas vouloir adopter le christianisme, Grotius répond que le fait de réprouver une foi qui s’appuie sur des témoignages historiques et qui ne prend naissance que par une action surnaturelle, ne relève d’aucun tribunal humain, abstraction faite du genre de chris-