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deuxièmement, être fomentée contre l’État par un particulier. Cela s’appelle révolte, chose inadmissible pour Grotius, qui ici encore s’attaque à Althusius. À son avis, ceux qui ont reconnu aux représentants du peuple le droit de révolte se sont trop accommodés à une situation donnée en un temps et en un lieu déterminés. D’autre part, Grotius lui-même paraît avoir accordé trop peu d’attention à la lutte fondée sur le « droit de la nature » que soutenaient ses compatriotes contre leur souverain. Troisièmement, la guerre peut être faite par l’État contre un particulier. Elle est juste, quand elle est dirigée contre quelqu’un qui a commis une injustice. L’analyse de ce point mène ainsi à examiner la nature et la justification du châtiment. Grotius traite ce problème d’une façon très intéressante. C’est un adversaire déterminé de la théorie du talion. La punition n’a pas sa fin en elle-même ; une âme sauvage et inhumaine peut seule trouver satisfaction à voir faire du mal à un homme, s’il n’en résulte pas un plus grand bien pour l’homme en question lui-même, ou pour autrui, ou pour la société tout entière. Quatrièmement, il peut y avoir guerre entre les États. C’est ce thème qui est le plus longuement traité. Les conditions de la justice d’une guerre et les règles d’humanité à observer pendant ce temps, découlent des principes du droit naturel. Le grand principe, c’est que les hommes, pour être ennemis, n’en sont pas moins des hommes, et que la guerre, étant faite uniquement pour l’amour de la paix, doit être menée avec assez de loyauté et d’humanité pour ne pas rendre la paix impossible. Grotius a parfaitement conscience que le droit des gens manque de la sanction que confère la puissance d’État dans le peuple pris en particulier. Les grandes puissances semblent se croire tout permis. Mais elles ont besoin, elles aussi, de relations suivies avec d’autres peuples, et l’opinion publique de l’humanité ne peut leur être indifférente ; en outre la guerre ne se fait avec énergie que si le peuple lui-même croit à la justice de la cause. En montrant du doigt ces exigences humanitaires et en prouvant l’analogie des conditions du commerce entre peuples avec les conditions du commerce entre individus, Grotius fit une impression extraordinaire sur les hommes d’État des xviie et xviiie siècles. On dit que Gustave