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tif est la nécessité selon le droit naturel de tenir sa parole.

Mais d’où le principe de remplir les promesses et d’observer les traités tire-t-il donc sa force originale ? Ici il apparaît que Grotius, tout comme Althusius, part de la théorie du contrat. Le principe suivant lequel les conventions doivent être mises en vigueur est en effet établi par un contrat. Seulement ce contrat primordial n’a pas besoin d’être conclu en pleine conscience. Il peut être tacite, supposé, être dans la nature des choses ; en d’autres termes, il n’est qu’une autre manifestation de la volonté de faire subsister la société, qui est, encore une fois, la condition de toute vie sociale. La société, c’est le produit d’une association libre, où chaque individu engage sa volonté comme fraction de la volonté commune. Toutes choses en particulier doivent être jugées d’après cette volonté primordiale (ex primaeva voluntate). L’État est un corps qui a une origine volontaire (corpus voluntate contractum). D’où découle entre autres cette clause importante que l’individu ne peut jamais perdre complètement ses droits dans ses rapports avec la société : il n’a jamais pu vouloir se détruire lui-même ! Il ne peut pas renoncer au droit de conservation personnelle qu’il possédait avant d’entrer dans la société.

Ici se présente la même idée mythologique de l’état de nature que chez Althusius : il est remplacé également par la vie d’État au moyen d’un acte de volonté. Mais là où à l’aide de cette idée Grotius déduit des états de choses juridiques spéciaux (tels que l’injustice du mensonge7, la propriété privée, la prescription, le droit coutumier), il affectionne l’idée d’une convention tacite, exprimant ainsi ce qu’exige le besoin de la cause (aut expresse, aut ex negotii natura tacite promittere, silentio convenire). Pour ce qui le concerne, il devient donc problématique de dire dans quelle mesure il concevait le contrat social comme un événement historique. Mais il est étrange que, tout en partant de l’injustice et de la discorde comme faits directeurs, Grotius a de la vie humaine, telle qu’elle serait sans être ordonnée en sociétés, une conception extrêmement idyllique. Il regarde l’instinct social comme direct, désintéressé, et ses rapports avec la conservation personnelle sont, comme chez Althusius, laissés dans le vague. Hobbes le premier