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l’unité qui doit régner dans l’État : qui n’est pas pour moi, est contre moi. Le point de vue théologique d’AIthusius se manifeste également en ce qu’il conteste l’autonomie de l’éthique individuelle par rapport à la théologie. Chacun apprend dans les dix commandements quels sont ses devoirs, en tant qu’ils n’appartiennent pas aux devoirs qu’enseignent la politique et la jurisprudence. Il ne reste donc à la morale que les règles d’une conduite pleine de dignité dans le langage et dans les actions, règles traitées par Althusius dans son ouvrage du « commerce civil » (civilis conversatio). Il s’en tient ainsi logiquement au contraste maintenu par Melanchthon entre l’homme interne et l’homme externe, tout en ayant pour la vie humaine extérieure un intérêt qui donne à penser, et en tenant pour possible de lui trouver un ordre réglé par des lois purement naturelles. Il reconnaît les forces naturelles de la vie sociale avec une énergie qui aurait excité la colère de Melanchthon. Dans sa « Politique » le conseiller municipal d’Emden formula des idées nées pendant la guerre d’indépendance des Pays-Bas, qui, après avoir été élaborées et poussées jusqu’à leur dernière conséquence formelle par l’âme passionnée de Rousseau, formèrent l’ensemble des dogmes qui dominèrent la Convention nationale française. Elles furent l’Évangile de la liberté politique. Melanchthon et son École n’auraient jamais accordé l’existence d’un semblable Évangile. Le fait qu’Althusius lui-même rejette la liberté religieuse offre un contraste frappant avec cet Évangile, témoignage du conflit intérieur de la pensée héritée du Moyen Âge, que ne pouvait pas même dépasser le courant le plus impartial du protestantisme d’Église.

Ce n’est pas Althusius, mais Hugo Grotius qui est considéré par les générations suivantes comme le fondateur moderne proprement dit du droit naturel. La raison doit en être cherchée dans le point de vue radical, démocratique que représentait l’auteur des Politica, et qui s’écartait à l’extrême de celui qu’adoptèrent les hommes d’État dirigeants et les doctrinaires politiques du xviie siècle, soit dans le fondement historique plus grand et plus profond que donna Grotius des principes du droit naturel, soit encore et surtout dans le fait