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historique de l’évolution de la vie sociale, qui regarde les individus comme le produit de la société, au lieu d’en être seulement les forces actives. Althusius voulait fondre les deux points de vue. Ici également, ce n’est que plus tard qu’apparut le problème définitif.

À ce problème se rattache une autre question : le pacte primitif, qui fonda la société, fut-il conclu sciemment ou non ? Il est évident qu’on ne peut entendre par ce pacte un événement purement historique, accompli en un temps et à un endroit déterminés, que s’il fut conclu sciemment. Ce n’est pas ainsi qu’Althusius semble concevoir les faits. La société, dit-il, a été formée par un pacte exprès ou tacite (pacto expresso vel tacito). Mais que signifie « pacte tacite» ? D’après Althusius, il est nécessaire d’admettre un contrat, non seulement pour saisir la formation de la société, mais pour comprendre aussi la transmission du pouvoir aux autorités. Nous commencerions donc par avoir un pacte social, pour arriver ensuite au pacte des souverains, le premier entre les individus, le second entre le peuple entier et ceux qui doivent gouverner. Or Althusius dit du dernier contrat (ce que l’on doit appliquer également au premier), que le peuple conserve lui-même les droits qu’il n’a pas délégués expressément au prince, et que là où le peuple se soumet à une autorité sans conditions expresses, les exigences générales d’équité et de justice et le contenu du décalogue doivent s’ajouter d’eux-mêmes par la pensée : « car il n’est pas vraisemblable que le peuple ait donné pour sa propre perte une liberté illimitée au prince ; le peuple n’a pas voulu non plus se priver lui-même de la faculté de conservation ou donner à un individu un pouvoir qui serait plus grand à lui seul que celui de tous les autres ensemble ». En d’autres termes, Althusius conclut de ce qui raisonnablement doit être l’opinion du peuple à la teneur du contrat primitif, supposant ainsi que le peuple a procédé par raison lors de la conclusion du contrat. Malheureusement, le peuple ne procède jamais plus par raison que les princes, et le droit d’admettre en cette occasion une raison « tacite » ne peut donc pas se prouver. Or, il est manifeste que ce pacte, (notamment dans sa partie « tacite »), exprime bien plutôt