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ment que tout mouvement devrait être (ou avoir) conscience. Cette conséquence fut aussi tirée par l’adversaire spiritualiste de Hobbes, Henry More (De anima. Rotterodami 1677, Lib. II, cap. 1, p. 64). Et dans les temps modernes elle fut également tirée par Moleschott et Heinrich Czolbe (cf. la deuxième partie de cet ouvrage, Hobbes ne lui échappe qu’en apparence : il déclare que la sensio (en tant que différant du phantasma) exige une durée plus grande du mouvement et une répétition de l’impression ; mais un mouvement même continué et répété n’est toujours qu’un mouvement, et l’on sait que Hobbes persévère dans son principe : motus nihil generat praeter motum. — 2o Les phantasmata dont parle Hobbes correspondraient à ce que Leibniz appelle petites perceptions, et la différence entre phantasma et sensio correspond à la différence faite par Leibniz entre perception et sentiment (p. 377). Il faut donc voir une influence de Hobbes sur Leibniz en un autre point que le point indiqué p. 352.

P. 321 et suiv. Berendt et Friedländer, dans leur ouvrage Spinozas Erkenntnislehre in ihrer Beziehung zur modernen Naturwissenschaft und Philosophie (Berlin 1891), font une tentative intéressante pour déterminer avec plus de précision le rapport entre ratio et scientia intuitiva. Ratio correspond d’après leur conception à la connaissance scientifique de la nature, scientia intuitiva à l’intuition de l’artiste qui nous permet — sans nier l’ordre fixe, mécanique de la nature — de saisir immédiatement le dedans des choses. Ratio nous donne les qualités des choses, l’intuition nous donne l’essence des choses. Et de ce que Spinoza enseigne que conatus et virtus ne sont pas autre chose que l’essence de l’individu en question (Eth. III, 7 ; IV, def. 8), les auteurs tirent cette conséquence, que d’après Spinoza l’essence des choses réside dans la volonté ; ils trouvent ici une affinité entre Spinoza, Kant et Schopenhauer. — Je crois que c’est donner à la scientia intuitiva de Spinoza un caractère trop esthétique. Il est plus près du mysticisme que de l’esthétique. Et, comme je l’ai indiqué dans le texte, le procédé discursif ne disparaît pas tout entier dans la scientia intuitiva ; lorsque Spinoza dit que la science intuitive avance (procedit) d’un concept parfait de l’essence de certains attributs divins jusqu’à la connaissance parfaite de l’essence des choses (Eth. II, 40, Schol. 2), on est tenté de penser à ce que Stuart-Mill appelle au contraire méthode déductive : il s’agit de déduire les modes (dont l’existence ne peut se connaître qu’empiriquement d’après Ep. X (édition Land-Vloten) des attributs (c’est-à-dire des lois ou formes générales). — Je crois en outre que ce n’est certainement pas un hasard si Spinoza n’a pas retourné cette proposition, que la volonté est l’essence des choses. Il n’a pas enseigné l’identité absolue de l’essence et de la volonté. Dans le passage capital Eth. V, 29, Schol. il n’est pas du tout question de la volonté comme objet de l’intuition. — Dans l’ensemble, l’ouvrage de Behrendt et Friedländer est malgré tout un essai légitime et heureux pour montrer les idées fondamentales de Spinoza dans leur signification durable, surtout pour notre temps.

P. 326. Lorsque Spinoza dit dans sa quatrième Définition (1er Livre de l’Éthique) : Per attributum intelligo id, quod intellectus de substantia percipit, tanquam ejusdem essentiam constituens (cf. aussi Ep. 9 de l’édition Land-Vloten), penserait-il par intellectus à intellectus infinitus ? Cf. Eth. II, 7 Schol. : Revocandum nobis in memoriam est id, quod supra ostendimus. nempe quod quicquid ab infinito intellectu percipi potest tanquem substantiæ essentiam constituens, id omme ad unicam tantum substantiam pertinet. — S’il en était ainsi, il n’y aurait plus de doute sur l’objectivité des attributs. Mais dans le passage auquel le « supra ostendimus » renvoie (I, 30). Spinoza distingue formellement entre intellectus finitus et int. infinitus. Il est alors probable que dans I def. 4 il prend le concept intellectus dans