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peu de temps encore on admettait que les pièces du procès devaient se trouver au Vatican dans les archives de l’Inquisition. Mais sur la demande du Dr Güttler, savant allemand qui s’occupe spécialement de Bruno, le Vatican déclara catégoriquement que ni les pièces ni les manuscrits qui avaient été confisqués ne se trouvaient dans les archives et qu’on ne savait pas où ils étaient passés. Voir à ce sujet Archiv. für Gesch. d. Phil., VI, p. 344 et suiv.

28. P. 128. Schoppe, savant allemand qui avait passé au catholicisme et avait été témoin oculaire de la condamnation et de la mort de Bruno, cite, dans sa description brûlante de haine pour les hérétiques, parmi les « doctrines effroyables et absolument absurdes » l’idée qu’il existe des mondes en nombre infini. — Quand l’Inquisition remontra à Bruno sur l’ordre du pape que les huit propositions que l’on avait tirées de ses écrits avaient déjà été déclarées hérétiques par l’Église primitive, il se peut très bien que l’opinion qu’il y a plusieurs mondes ait été mise au nombre de ces anciennes hérésies. Comme l’on sait, Galilée dut plus tard renier la théorie du mouvement de la terre parce qu’elle contredisait l’Écriture Sainte. — L’hypothèse de plusieurs mondes passait pour hérétique même chez les protestants ; Melanchthon la combat comme une doctrine impie, le Christ n’a pu mourir et ressusciter plusieurs fois. (Initia doctrinæ physicæ. Corp. Ref. XIII, p. 220 et suiv.). — Campanella cherche au contraire à montrer dans son Apologia pro Galilæo (Franco furti 1620, p. 9, 51) que cette doctrine n’est pas hérétique.

29. P. 135. Dans l’ouvrage De l’infinito universo e mundi (ed. Lagarde, p. 343 et suiv., 363) Bruno avait déjà rejeté les sphères fixes pour des raisons tirées de la physique et de la théorie de la connaissance. Dans le De immenso, I, 5, il trouve sa conception confirmée par les recherches de Tycho-Brahe. Tycho-Brahe lui-même tirait de sa doctrine les mêmes conséquences que Bruno. C’est ainsi qu’il dit dans une lettre à Kepler du mois d’avril 1598 (Kepleri Opera, ed. Frisch 1858, I, p. 44) : « Je suis d’avis que la réalité de toutes les sphères, de quelque façon qu’on se les représente, doit pouvoir se déduire du ciel, ce que j’ai appris par toutes les comètes qui se sont montrées depuis la nouvelle étoile de 1572, et qui sont en effet des phénomènes célestes. » (D’après l’ancienne conception les comètes étaient formées par des émanations de la terre et leur course se bornait au monde sublunaire.) — Il est probable, ainsi que F. Tocco (Opere latine di G. Bruno esposte e confrontale con le italiane. Firenze 1889, p. 318 et suiv.) le fait remarquer, que Bruno n’a pas eu connaissance de première main des œuvres de Tycho-Brahe, car il n’usa pas de l’excellent argument fourni par les « nouvelles étoiles » contre les sphères fixes, et que Galilée employa toujours par la suite. Bruno ne fait non plus nulle part mention du système du monde particulier à Tycho-Brahe.

30. P. 140. Une intéressante anticipation des célèbres paroles de Goethe : « C’est à lui qu’il convient d’être la cause interne du mouvement », se trouve dans le De immenso, V, 12 : « Dieu, ou la raison, n’est pas extérieur et ne fait pas tourner le monde du dehors ; le principe interne du mouvement, qui est la nature propre, l’âme propre qui possède tout ce qui vit dans son sein et dans son corps, doit être plus digne de lui. » (Dignius enim illi debet esse internum principium motus, etc.) — Pour parler de ce principe interne, qui est au fond de l’instinct de conservation propre de tout être, Bruno se sert de l’expression voluntas naturalis dans le dernier ouvrage que nous ayions de sa main, c’est-à-dire celui qu’il dicta pendant son séjour à Zurich en 1591 : Summa terminorum metaphysicorum. — Cf. Cena, ed. Lagarde, p. 163 et suiv., 183 et suiv. De l’infinito p. 310 et suiv.