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les États généraux, les princes électeurs et les conseillers municipaux. Sous une forme ou sous une autre il faut toujours qu’il y ait un pouvoir organisé pour exercer la surveillance6).

Althusius trouve des preuves historiques de son idée de la souveraineté du peuple : d’abord dans la plupart des États il y a une autorité de ce genre, qui doit, au nom du peuple entier, soumettre à la critique la conduite du magistrat suprême ; ensuite, autre preuve, le peuple a secoué la domination d’un prince tyrannique. Il fait allusion à la lutte que soutinrent les Hollandais pour la liberté ; et, dans l’avant-propos de la troisième édition, il déclare que son ouvrage est dédié aux États de la Frise. Ils ont vu, dit-il, et avec eux les autres habitants des Pays-Bas, que la souveraineté n’est pas inséparablement liée à la personne du prince, qu’il n’en peut avoir que l’usufruit, tandis que le droit de majesté proprement dit appartient au peuple. Et il les loue d’avoir lutté avec autant de courage, de clairvoyance et de persévérance pour ce principe.

Il trouve une preuve philosophique de sa théorie en observant la fin et la cause de la vie publique. La fin n’en est pas le bien des autorités, mais le bien de tout le peuple ; la cause pour laquelle les hommes s’associent les uns aux autres et fondent des sociétés, c’est l’état d’abandon et de misère où se trouve l’individu isolé. Le besoin des individus isolés et le sentiment de leur isolement, telle est la cause dernière de la vie publique. Au début se forment de petites sociétés, comme la famille et le voisinage. Ces sociétés étroites sont les pépinières de sociétés plus grandes, qui naissent de la réunion de plusieurs petites. Alors se forme une société non plus seulement privée, mais politique. L’État, c’est la société universelle qui comprend en elle toutes les sociétés plus petites. Althusius rappelle ici Bodin, qui attachait une si grande importance aux petites sociétés au sein des grandes. Le détenteur de la souveraineté, c’est le peuple, organisé en groupes sociaux différents et représenté par les éphores. — À ce point de vue, ces vieux auteurs possèdent un grand avantage sur les théoriciens du droit naturel du xviiie siècle, qui ne connaissaient à vrai dire que l’individu isolé et l’État en tant que totalité. Toutefois il est bon de rappeler ici que les corporations avaient révélé une