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Althusius s’accorde à dire avec Bodin qu’il n’y a qu’une souveraineté une et indivisible. Dans un État, il ne peut y avoir qu’un seul souverain, de même que dans un corps il ne peut y avoir qu’une seule âme. Mais il combat l’exposé que fait Bodin des diverses formes d’État. La souveraineté ne peut résider qu’en un seul point ; elle ne saurait se transmettre, ni s’aliéner. Les princes et les aristocrates peuvent exercer le pouvoir ; mais ils ne peuvent jamais posséder la souveraineté, qui doit avoir nécessairement son siège dans le peuple entier. La nation ne meurt jamais, et tout gouvernant est responsable envers elle de son administration. L’État doit favoriser le bien du peuple et l’assister dans ses besoins ; telle est la cause, telle est la fin de l’État. Le gouvernant pris isolément meurt, mais le peuple ne meurt pas. Et le gouvernant n’est que l’homme isolé ; le peuple, c’est la multitude. Voilà pourquoi tout pouvoir doit sortir du peuple, et pourquoi il retourne toujours au peuple.

La forme de gouvernement seule peut varier, mais non la forme d’État. Le peuple, uni par des conditions de vie communes (corpus symbioticum), étant la source de tout pouvoir, ne peut le déléguer pour toujours à une autorité quelconque. Tous ceux qui exercent le pouvoir gouvernemental sont des représentants du peuple, et dès qu’ils passent les bornes assignées à leur activité par la loi de nature, contenue dans les dix commandements, et par le bien de la société, ils cessent d’être les serviteurs de la société ; ils ne sont plus que des particuliers, auxquels il n’est pas dû obéissance, là où ils ont trangressé les limites fixées à leur puissance. Mais ce n’est pas au premier venu qu’il incombe de faire rentrer le pouvoir de l’autorité dans ses barrières. Dans tout État bien organisé, il y a, outre les magistrats, une autre sorte d’« administrateurs », à savoir des surveillants (ephori), qui ont pour tâche d’élire le représentant suprême de l’autorité, de sauvegarder les droits inaliénables du peuple, d’éloigner le magistrat qui les viole, mais aussi de protéger et de soutenir chaque représentant de l’autorité dans les limites de son pouvoir. On connaît ces éphores dans les États antiques, par exemple les sénateurs et les tribuns du peuple ; dans les États modernes, ce sont