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ruine, chose utile pour bien apprécier les lois. » Il croit que par cette voie il faudra en revenir de la croyance à un âge d’or : « comparé à notre époque, l’âge que l’on est convenu d’appeler l’âge d’or ne serait qu’un âge de fer ! » Il étaye sa foi au progrès principalement sur le développement de l’industrie. Il souligne fortement les inventions et les découvertes des temps modernes, ainsi que les relations devenues plus actives entre les différentes nations. Il distingue cependant le progrès de la civilisation du progrès de la moralité ; à ce dernier point de vue sa croyance ne promet pas autant. — Il sera question par la suite de son ouvrage sur la philosophie de la religion, dont nous apprécierons l’importance.

Le créateur proprement dit de la théorie du droit naturel des temps modernes fut Jean Althusius. Cet homme, qui, grâce à Gierke, fut tiré d’un oubli extrêmement injuste, naquit en 1557 à Diedenshausen, étudia à Bâle, probablement aussi à Genève, fut pendant un certain temps professeur de droit à Herborn, pour être ensuite de longues années bourgmestre d’Emden, dans la Frise orientale. Il défendit avec zèle les droits de cette ville contre les empiètements des comtes et des chevaliers de cette province. C’était un calviniste ardent, qui suivait avec enthousiasme la lutte soutenue par les Hollandais, parents des Frisons de l’est, pour la conquête de leur liberté religieuse et politique. Dans ses écrits, il fait plusieurs fois allusion à cette lutte. Dans la Frise, la vieille liberté des paysans s’était conservée, tandis qu’elle avait péri dans le reste de l’Allemagne. Althusius sauvegarde donc aussi les droits des paysans à côté de ceux de la noblesse et de la bourgeoisie. Sa foi religieuse, aussi bien que ses études, les événements qui se déroulaient alors dans le pays voisin, ainsi que la situation sociale de sa patrie spéciale, contribuèrent à former sa conception de la philosophie du droit et de l’État, qu’il développa dans son ouvrage sur la politique (Politica methodice digesta atque exemplis sacris et profanis illustrata 1603). Parmi ses autres ouvrages, outre plusieurs purement juridiques, il faut citer le traité des vertus employées dans le commerce avec autrui (Civilis conversationis libri duo). Il mourut en 1638, après une vie longue et bien remplie.