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spirituelles, les autres matérielles, voilà selon d’Holbach la source des maux les plus grands pour les hommes. Au début les hommes ont été amenés, involontairement il est vrai, à croire aux esprits ; ils ne connaissaient pas les causes des choses et, pour cette raison, les concevaient naturellement comme des êtres personnels. Mais la tyrannie des prêtres a mis pour la première fois cette croyance en système. Ces prêtres ont notamment très bien vu quelle puissance le mystérieux exerçait sur les hommes. Voilà pourquoi ils les ont menés de la croyance à des dieux visibles (le soleil et autres objets naturels) à la croyance à des dieux invisibles. Le spiritualisme est théoriquement si peu fondé qu’il n’est pas douteux « que ce système ne soit l’effet d’une politique très profonde et très intéressée des théologiens » (I, 97) ; il y a une partie invisible de l’homme qui peut recevoir sa récompense ou son châtiment dans un monde à venir ! Les théologiens sont les vrais « fabricateurs de la divinité ». « Quand nous voudrons remonter à l’origine des choses, nous trouverons toujours que c’est l’ignorance et la crainte qui ont créé les dieux ; que c’est l’imagination, l’enthousiasme et l’imposture qui les ont ornés ou défigurés, que c’est la faiblesse qui les adore, que c’est la crédulité qui les nourrit, que c’est l’habitude qui les respecte, que c’est la tyrannie qui les soutient, afin de profiter de l’aveuglement des hommes. » D’Holbach résume dans cette phrase (II, p. 217) sa philosophie de la religion. Il ne fait pas de différence entre la religion naturelle et la religion positive. Dès que l’on s’engage dans l’idée de Dieu, un culte devient nécessaire ; les prêtres acquièrent ainsi la puissance ; la morale naturelle se déforme et la persécution commence. En même temps les essais de concilier le mal avec l’existence de Dieu mènent à des spéculations sophistiques. — Le raisonnement de d’Holbach rappelle ici absolument celui de Diderot, qui a probablement influé sur la rédaction de ce chapitre. Dans la religion, comme dans la société, on trouvait des faits historiques auxquels on ne pouvait trouver de fondement naturel et avec lesquels on se sentait en même temps dans une contradiction irréductible. On eut donc recours à la théorie de l’arbitraire, si simple en apparence. En réalité, elle est si simple qu’elle rappelle les théories