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que la sensibilité est une propriété fondamentale de la matière ; il en fait bien mention, mais il s’en tient à cette conception, que la sensibilité se forme par la combinaison d’éléments qui, chacun en particulier, ne possèdent pas cette faculté. Il existe en ce point une différence entre d’Holbach et Diderot qui entraîne d’autres conséquences. D’Holbach déclare en effet que la pensée (conscience) elle-même est un mouvement, à la vérité non un mouvement de masse, mais un mouvement moléculaire de la même espèce que ceux qui sont au fond de la fermentation, de la nutrition et de la croissance, mouvements qui sans doute ne sont pas visibles, mais que nous déduisons de leurs effets (I, p. 45). Dans ce mouvement, comme dans d’autres mouvements semblables, il y a beaucoup de choses énigmatiques ; mais ces énigmes ne disparaissent pas quand nous admettons une substance spirituelle. « Qu’il nous suffise donc de savoir que l’âme se meut et qu’elle se modifie par les causes matérielles qui agissent sur elle. D’où nous sommes autorisés à conclure que toutes ses opérations et ses facultés prouvent qu’elle est matérielle » (I, p. 128). Toute science est donc physique. L’éthique elle-même n’est qu’une physique appliquée. Les vertus et les devoirs imaginaires qui sont dérivés des rapports de l’homme avec des êtres extérieurs à la nature, sont maintenant remplacés par des devoirs et des vertus fondés dans la propre nature de l’homme. Les lois de la nature nous montrent les voies que nous devons suivre pour atteindre nos fins. La notion de devoir découle donc de la notion de nature ; car le devoir marque justement les moyens que nous devons nécessairement prendre pour parvenir au but (II, p. 291). Chacun en particulier recherche son bonheur ; mais la raison « qui n’est autre chose que la science de la nature appliquée à la conduite de l’homme en société » (II, p. 201), lui apprend qu’il ne peut être heureux s’il veut séparer son propre bonheur de celui d’autrui — tel est l’ordre du destin — et d’autre part que celui qui rend les hommes heureux ne peut pas lui-même être malheureux. Dans le dernier chapitre de l’ouvrage qui contient un « abrégé du code de la nature » ces pensées sont exprimées dans une langue inspirée où l’on a cru reconnaître l’esprit de Diderot.

Croire qu’il y a une double espèce de substances, les unes