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propres idées. Nous les trouvons dans sa correspondance (notamment dans les Lettres à Mlle Voland, qui dépeignent les Salons radicaux de Paris d’une façon intéressante et humoristique) et dans ses Dialogues (surtout dans l’Entretien entre d’Alembert et Diderot et dans Le rêve de d’Alembert), qui ne parurent qu’en 1830 (sous le titre : Mémoires, correspondances et ouvrages inédits). Ce n’est que par ces ouvrages qu’on a connu le véritable Diderot. Nous nous bornons ici à traiter ses idées purement philosophiques. — La littérature danoise s’est enrichie il y a quelques années du précieux ouvrage de Knud Ipsen sur Diderot (Diderot, hans Liv og hans Gerning, Köbenhavn 1891).

Dans ses premiers ouvrages, Diderot se sert encore, à la façon de la théologie populaire, de l’idée de Dieu pour expliquer ce que la science semblait ne pouvoir expliquer. Mais il est pour lui de plus en plus évident qu’une semblable explication est tout à fait autre que ce que la science entend par explication. Dans son ouvrage Interprétation de la nature (1754) il prétend que la vraie méthode est le concours réciproque de la perception et de la pensée, de l’induction et de la déduction, en remontant de l’expérience à l’expérience par l’intermédiaire de la raison. En même temps il reprend ici dans un esprit plus réaliste des questions qu’il avait déjà touchées auparavant, en particulier la grande question de savoir comment il faut expliquer les phénomènes de finalité de la nature. Au lieu de faire appel à une cause extérieure à la nature, il laisse entendre qu’il est possible que de toute éternité il ait existé dans le chaos de la matière des éléments doués de la faculté de vie et de conscience, et que ces éléments se soient graduellement rassemblés et soient devenus les animaux et les hommes, après avoir passé par bien des phases d’évolution ; les combinaisons et les formations incapables de vivre auraient été peu à peu éliminées. Diderot, comme La Mettrie, semble aboutir à ces idées soit en subissant l’influence de Lucrèce, soit en développant la théorie de Leibniz de la continuité dans la progression des monades et en rapprochant cette théorie des résultats des recherches faites par des naturalistes contemporains sur les menus organismes. Bien qu’il ne soit pas exact de voir dans Diderot un disciple direct de