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la forme de gouvernement. Les formes d’État varient selon les détenteurs de la souveraineté. Les marques de la souveraineté sont le pouvoir législatif, le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix, le droit de grâce et le droit de nommer aux plus hauts emplois. Le pouvoir suprême peut être aux mains du peuple, de l’aristocratie ou du prince. Mais la forme de gouvernement peut très bien être monarchique, alors que la forme d’État serait démocratique ; tel est le cas, quand le peuple entier élit le roi.

Bodin éprouvait le besoin d’inculquer la notion de la souveraineté absolue en face des royalistes protestants et catholiques. Mais il ne conteste pas pour cela le droit du peuple. Le souverain pouvoir est subordonné à la morale et au droit naturel ; il ne saurait abolir le droit personnel de propriété, et pour cette raison il ne peut non plus imposer des contributions. Bodin ne voyait pas qu’à la longue le pouvoir législatif ne peut se maintenir sans le vote des impôts et, en adjugeant ce dernier pouvoir au peuple, il lui adjugeait aussi en réalité la souveraineté, en sorte que la différence entre les diverses « formes d’État » disparaissait et qu’il ne restait plus que la différence entre les « formes gouvernementales ». Ce furent ses successeurs qui tirèrent cette conséquence de la notion de souveraineté.

La politique de Bodin se distingue par l’importance qu’il accorde à la famille et aux petites sociétés ou corporations. Il demande la conservation et le développement de leur autonomie et de leur originalité, autant que cela est compatible avec les devoirs politiques communs. En général, il a la vue claire et robuste des réalités de la vie humaine dans leurs divers sens, et il blâme Machiavel, dont il dit : « il n’a jamais exploré avec la sonde les eaux navigables de la science politique » pour avoir considéré les finesses des tyrans comme le point capital de la politique. Dans un petit écrit spécial (De la méthode de l’histoire) il démontre l’importance de la méthode comparée et de la méthode historique pour la doctrine du droit. « L’histoire, dit-il, renferme la meilleure partie du droit universel, et les lois nous permettent de connaître les mœurs des nations, le fondement de l’État, son développement, ses formes, ses révolutions et sa