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Le point de vue religieux auquel se place Helvétius est le point de vue déiste, mais il souligne fortement que la divinité est inconnaissable. Il fait la guerre à la morale théologique qui s’attaque seulement aux vices privés et non à la source du mal, qui se trouve dans l’état de choses public ; il accuse le clergé, dont les intérêts ne peuvent marcher de pair avec ceux du peuple entier. Du reste dans ses œuvres circule un courant polémique, encore plus fort dans l’ouvrage De l’homme que dans celui De l’esprit, que Diderot appelait non sans raison, semble-t-il, un coup de massue contre tous les préjugés.

3. — La Mettrie, Diderot et d’Holbach

La science naturelle avec ses résultats joue déjà un rôle important chez Voltaire, sans parler de la philosophie empirique. Cependant l’influence de la science de la nature se montre au premier plan dans un groupe de philosophes français qui mirent à profit la théorie de Locke, selon laquelle dans la conscience tout provient de la sensation. Toutefois leurs pensées portent principalement sur la nature matérielle dont ils cherchèrent à faire la seule nature réelle. Leur philosophie n’est pour eux qu’une simple conséquence de la science de la nature. Ils reprennent la tendance matérialiste de Hobbes, en essayant de procéder par induction, alors que Hobbes procédait principalement par déduction. Leur apparition atteste que la méthode et les résultats de la science de la nature prétendaient avec une énergie croissante influer sur la conception de la vie et du monde. Et plus il leur était impossible d’expliquer ou de justifier les dogmes religieux et les institutions actuelles par les principes de la science de la nature qui étaient pour eux des vérités éternelles, plus ces dogmes et ces institutions devaient leur paraître purement arbitraires, nés de la sottise, du fanatisme ou de la supercherie. Le dilemme de Voltaire : folie ou friponnerie fut ici poussé à ses dernières conséquences et lancé avec une arrogance et une passion inconnues à Voltaire, qui ne quitte pas l’atmosphère de la Cour et des salons. Néanmoins ces auteurs ont conscience que leurs idées ne trouveront pas accès auprès de la multitude.