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protestants, dont, au premier rang, Hubert Languet et François Hotman, la prirent comme point de départ dans leurs ouvrages de polémique. Mais elle fut également accueillie du côté des catholiques. Là surtout où la domination du prince était plutôt tiède ou hérétique, on trouva son compte à s’autoriser du droit du peuple dérivé d’un contrat primitif. Quelques écrivains jésuites, doués en partie d’une grande sagacité et d’une énergie considérable, s’exprimèrent en ce sens. L’Église devait désormais subsister comme l’unique société issue d’en haut, tandis que l’État était édifié d’en bas.

Les guerres de religion, tant physiques que littéraires, devaient naturellement pousser les patriotes qui avaient souci de la conservation de l’État, menacé par la lutte des confessions, à envisager les conditions de la vie politique en dehors des opinions religieuses controversées. En France, il se forma, par opposition aux Huguenots et aux Ligueurs, le parti des « politiques » dont la conception fut exprimée en littérature par Jean Bodin dans son ouvrage de la République, qui parut en 1577. Cet homme remarquable, dont la superstition fait songer au plus ténébreux Moyen Âge, alors que sa conception politique et historique devance de beaucoup son siècle, était un juriste français. Il posséda pendant un certain temps la faveur de Henri III, mais la perdit de gaieté de cœur par la suite, en défendant les droits des États et du peuple contre le roi. Il eut quelque temps accès auprès du duc d’Alençon, le chef des politiques, et fut un des premiers qui s’attachèrent à Henri IV, lorsque celui-ci termina les guerres civiles en rapprochant les combattants par la sauvegarde de la tolérance. Il mourut deux ans avant la publication de l’Édit de Nantes. Son importance pour l’histoire de la doctrine du droit réside dans la clarté et dans la logique avec lesquelles il développa la notion de souveraineté. Il sépare catégoriquement la souveraineté du gouvernement. Le pouvoir suprême n’est pas la même chose que la souveraineté, car le pouvoir peut se transmettre pour quelque temps et se diviser, alors que la souveraineté est indivisible. Comme il ne peut y avoir plusieurs dieux, si l’on veut que Dieu soit un être absolu, ainsi il ne peut y avoir dans un État plusieurs souverains. Bodin distingue la forme d’État de