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proposition, que tout dans notre conscience, non seulement — comme Locke enseignait — tout contenu, mais encore toute activité et toutes formes, ne sont que des transformations de sensations simples passives (sensations transformées). La sensation isolée se présente comme modification purement passive de l’âme. Quand cette modification est assez forte pour exclure les autres sensations, on dit qu’il y a attention. Quand nous avons deux sensations en même temps, on dit que nous comparons et que nous jugeons. Le souvenir n’est qu’un effet ultérieur de la sensation. Abstraire, c’est séparer une sensation d’autres sensations. La condition de toute comparaison, de tout jugement, de tout souvenir et de toute abstraction, c’est l’attention, qui est ainsi le phénomène fondamental de la connaissance. Grâce à elle, nous pouvons percevoir distinctement et séparément ce qui au début se présente sous l’aspect d’une perception totale chaotique. Toute connaissance repose sur la perception séparée, et par conséquent distincte, de ce qui se présente au début dans une confusion chaotique, — c’est-à-dire sur l’analyse. — Si nous formons au moyen du langage un signe pour chacun des éléments qu’offre l’analyse, nous pourrons développer une arithmétique logique, une langue scientifique d’une clarté et d’une exactitude absolues, en reliant ces signes et en en remplaçant quelques-uns par d’autres, qui ont la même signification. L’analyse ne peut se faire qu’au moyen d’un langage de signes ; mais celle-ci réagit par contre sur le langage de signes, et toute science est à vrai dire un système de signes dont le sens et dont les rapports réciproques sont absolument clairs (cf. l’ouvrage de Condillac : La langue des calculs. Introduction). Les langues sont des méthodes analytiques : l’homme, guidé par sa tendance à faire des gestes ou à pousser des cris, lorsque son attention est éveillée, analyse malgré lui. Par la suite la science devient inversement l’analyse exacte, elle devient comme une langue parfaite.

La théorie de la connaissance de Condillac est l’essai le plus péremptoire qui ait été fait pour faire dériver tout de l’expérience, tout en concevant l’expérience elle-même comme absolument passive, mais en montrant néanmoins la possibilité d’une science fondée sur l’expérience. Sa doctrine trouva beaucoup