Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et en vers, Pope aient dit que tout est bien et que l’on ne peut demander que Dieu change ses lois éternelles pour un être aussi chétif que l’homme. « Il faut avouer du moins, dit-il (art. : « Tout est bien », du Dict. phil.), que ce chétif animal a droit de crier humblement, et de chercher à comprendre en criant, pourquoi ces lois éternelles ne sont pas faites pour le bien-être de chaque individu. » Pour Voltaire lui-même, la réponse à la dernière question se trouvait dans sa théorie de Dieu et de la matière qui était peut-être motivée par la réflexion sur les maux qui résultent pour les êtres individuels de l’ordre de la nature. Il croit en un Dieu de bonté, mais les souffrances du monde sont pour lui le témoignage que ce Dieu n’est pas tout-puissant, qu’il doit sans cesse triompher d’une résistance, et cette résistance il l’attribue à la matière. Le côté moral de la religion était pour lui l’essentiel. « Après notre sainte religion, dit-il, en commençant par sa révérence officielle ordinaire (art. : « Religion », du Dict. phil.), qui sans doute est la seule bonne, quelle serait la moins mauvaise ? Ne serait-ce pas la plus simple ? ne serait-ce pas celle qui enseignerait beaucoup de morale et très peu de dogmes ? Celle qui tendrait à rendre les hommes justes, sans les rendre absurdes ? » Tout ce qui dans la religion dépasse l’adoration d’un être suprême, il le déclare superstition. L’idée de simplicité mise à profit par les penseurs de la Renaissance pour comprendre le monde de la nature est appliquée maintenant par les penseurs du siècle philosophique au monde surnaturel. En ce qui concerne la religion positive, la critique de Voltaire s’en tient aux dogmes actuels ; il ne s’interroge pas sur leur formation, sur leur origine dans l’impulsion du sentiment, sur la valeur symbolique qu’ils peuvent avoir comme expression d’expériences psychiques chèrement achetées. Il plaisante sur les îles bizarrement ordonnées de l’océan de la religion et ne songe pas que ce qui apparaît ainsi dispersé, contradictoire et sans règle à la surface peut avoir son enchaînement au fond des mers, et est peut-être l’effet de forces volcaniques souterraines.

L’inconscient ou le mi-conscient, l’involontaire et le spontané, l’émotion, c’étaient choses incompréhensibles pour lui. Il voyait tout comme en plein jour. Le crépuscule et le demi-