Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent avec les secours de l’esprit et à la force du bras. Ici encore, il fallut soutenir un rude combat pour abattre les barrières confessionnelles ou l’Église réformée, tout comme les autres Églises, cherchait à contenir le mouvement de l’esprit. Toutefois, la conception plus impartiale que cette Église se faisait des rapports de l’âme avec le monde extérieur, et l’absence de contraste saillant entre le fond de la vie individuelle et tous les intérêts humains furent d’une grande importance. Voilà pourquoi les pays réformés devinrent une nouvelle patrie pour la philosophie moderne, lorsque l’Italie, son premier berceau, eut été asservie par les forces de la réaction. Et c’est ainsi que le droit naturel moderne, qui est jusqu’en notre siècle la base fondamentale de toute réforme politique et sociale, a principalement sa source vive dans ces pays.

Les guerres de religion aux Pays-Bas et en France, ainsi que la littérature politique qu’elles inspirèrent, contribuèrent puissamment à développer l’idée de la liberté du peuple et de l’indépendance de l’État vis-à-vis de l’Église. La lutte pour l’affirmation de la liberté religieuse était étroitement liée à la lutte pour la conquête de la liberté civile. Le droit qu’ont les sujets de résister, au moyen de leurs représentants légaux, au prince qui viole le droit du peuple, et au pis aller, de le déposer, fut affirmé avec une grande énergie. On posa en principe que tout pouvoir gouvernemental vient d’une délégation qui a pour condition l’accomplissement de devoirs déterminés de la part des gouvernants. Ainsi était proclamé le principe de la souveraineté du peuple, et l’idée d’un contrat primordial entre le peuple et le gouvernement devenait la base de toutes les recherches ayant trait au droit public. La théorie du contrat avait déjà été employée au Moyen Âge, au cours de la querelle de l’Église avec l’État, comme arme contre les prétentions de l’Église à la suprématie. Le souvenir de l’origine de l’Empire romain, issu de la démocratie romaine, agissait ici de concert avec les conséquences que l’on tirait de l’idée d’un État de nature paradisiaque, sans jurisprudence ni politique. Cette théorie était employée maintenant par le peuple contre les princes, alors qu’au Moyen Âge elle était appliquée au service des princes contre l’Église. Un certain nombre de publicistes