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et pour cette raison possèdent une autorité plus grande que celle-ci. Ce sont des parties intégrantes de notre constitution originale, de celle qui vient de la main de Dieu.

À ces principes primordiaux appartient en premier lieu la croyance à un monde extérieur matériel et à l’existence de l’âme. Chaque sensation que je reçois suscite par une suggestion naturelle (natural suggestion) la croyance à un objet extérieur de la sensation, ainsi qu’à un moi qui a la sensation. Entre la sensation et le souvenir d’une part, et l’imagination d’autre part, la différence n’est pas seulement quantitative, mais aussi qualitative, et celle-ci ne s’explique pas davantage. La croyance en l’objet de la sensation ou du souvenir est un simple acte de conscience qui ne peut se décrire plus amplement, pas plus qu’il ne s’explique par association. Sans doute nous nous trouvons ici en présence d’un remarquable trait de notre nature : la sensation, au moyen d’une sorte de magie naturelle (by a natural kind of magie) provoque dans notre conscience quelque chose dont nous n’avons jamais fait l’expérience et que pourtant nous concevons et nous croyons ! —

L’instinct de causalité a une certaine affinité avec la perception sensible (perception, qui comprend, outre la sensation, la natural suggestion). C’est un penchant naturel, bien qu’inexplicable, à croire que les liaisons des phénomènes que nous avons remarquées par le passé, subsisteront encore à l’avenir. C’est sur ce principe que s’appuie toute science ainsi que toute superstition ; on pourrait l’appeler principe inductif. Tout homme de bon sens le reconnaît, et qui ne le reconnaîtrait pas, serait bon à mettre dans une maison de santé. — Dans le domaine pratique, comme exemple de principe primordial, nous avons le sens moral. « Par les sens externes, dit Reid (Active Powers, p. 238), nous acquérons non seulement les idées primordiales des différentes qualités des corps, mais encore les jugements primordiaux, d’après lesquels nous disons que tel corps a telle qualité, et que tel autre a telle autre qualité ; de même, par notre faculté morale nous acquérons à la fois les idées primordiales du bien et du mal de l’action, de la dignité et de l’indignité, nous jugeons par exemple que telle conduite est bonne, telle autre mauvaise,