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dont on réclame les droits. C’est là une réaction qui s’annonce sous diverses formes au cours du siècle, et qui fait pressentir la réaction profonde contre la tendance générale du xviiie siècle qui se fit jour au début du siècle nouveau, — réaction qui fut féconde et juste à bien des égards, car elle défendait la cause des faits historiques ; par contre elle montra souvent infiniment peu d’esprit critique toutes les fois qu’il s’agissait de déterminer ce qui dans un cas particulier était donné comme fait réel. L’École écossaise (c’est ainsi que s’appelle la tendance créée par Reid, tendance dont on trouve des traces déjà chez Hutcheson et chez Smith, mais qui prit le dessus avec Reid dans les Universités écossaises), a rendu des services à la science de l’esprit par sa psychologie saine et descriptive ; mais elle a ce défaut de confondre description et explication, et de glisser sous la description des thèses théoriques. — Thomas Reid (1710-1796), le représentant le plus notable de cette tendance, fut d’abord prédicateur, puis professeur à Aberdeen et à Glasgow. Il raconte dans son ouvrage le plus considérable (Inquiry into the Human Mind on the principles of Common Sense, 1764) qu’il était partisan de la philosophie de Locke et de Berkeley, mais que le Treatise de Hume lui a montré qu’elle menait à de dangereuses conséquences : au renversement de toute science, de toute religion, de toute vertu, de tout sens commun (common sense) ! Voilà pourquoi il a soumis à la critique toute la tendance et découvert qu’elle contredit l’expérience ; aussi est-ce sur le terrain de l’expérience qu’il veut la combattre. Il suivra la méthode de Bacon et de Newton. — Ce qu’il avait exposé sous une forme concise dans son Inquiry, Reid le développa plus tard en tenant compte des domaines psychologiques spéciaux dans ses ouvrages plus considérables : Essays on the Intellectual Powers of Mind (1785) et Essays on the Active Powers of Mind (1788).

Toute notre connaissance a pour fond, d’après Reid, certaines suppositions instinctives qu’aucun doute ne saurait ébranler. Aussi gouvernent-elles avec une puissance irrésistible les opinions et la conduite de tous les hommes dans les conditions générales de la vie. Elles sont les principes du sens commun (principles of common sense), antérieures à toute philosophie,