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idées reliées à elles par l’association. C’est de ces trois lois dérivées que dépend tout développement de l’esprit, notamment le processus au moyen duquel les sentiments et les formes de volonté primitives, venant des sens, font place à des formes plus idéales. Par cette voie l’égoïsme peut être retranché et supprimé, une sympathie désintéressée et universelle peut se développer. D’un autre côté, l’envie et la cruauté peuvent également se développer conformément à ces lois.

Par son genre d’exposition et par sa conception Hartley rappelle Spinoza. Il fit faire à la psychologie de l’association un progrès considérable en posant la théorie des combinaisons psychiques douées d’autres qualités que celles des éléments et en mettant en relief le phénomène de la transposition des motifs. Comme Spinoza, Hartley est convaincu que ces sortes de lois psychologiques permettent de concilier les plus grandes oppositions de l’esprit ; la conservation de soi, grâce à l’association et au déplacement des motifs, peut se transformer en abnégation mystique. L’amour de Dieu, dit Hartley, naît en partie de motifs égoïstes ; mais Dieu étant la cause de toutes choses, une foule infinie d’associations doivent s’unir dans l’idée de Dieu et cette idée peut pour cela devenir si prédominante que toutes les autres idées, et même l’idée de nous-mêmes, peuvent disparaître devant elle. — On trouve chez Hartley comme chez Spinoza un singulier mélange de mysticisme et de réalisme ; mais le premier manque de la clarté supérieure du second.

La théorie de Hartley demeura assez peu considérée jusqu’au jour où elle trouva un partisan dans Joseph Priestley (1733-1804) qui la popularisa. C’était un savant et un théologien célèbre par sa découverte de l’oxygène, par la lutte qu’il soutint contre le dogme de la Trinité et par son enthousiasme pour la Révolution française. Priestley donne lui-même à son point de vue général le nom de matérialisme, mais il croit — adhérant ainsi à une théorie posée par le jésuite Boscovich — que l’essence de la matière consiste dans la force, force d’attraction ou de répulsion, et que les atomes doivent être conçus comme des points d’énergie, car c’est là tout ce que, en réalité, nous savons d’eux. La solidité n’est qu’une qualité