Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombe. » L’individu est le mieux placé pour voir de quelle façon il peut le mieux satisfaire cet instinct. L’État ne doit pas intervenir ici avec des lois ou des défenses. Chacun achète où il trouve le meilleur marché, que ce soit dans son pays ou à l’étranger. L’offre et la demande régleront tout pour le mieux. C’est sous l’influence de la loi de l’offre et de la demande que la division du travail s’est opérée, et celle-ci est la condition de tout développement de la civilisation. L’individu lui-même trouve en effet comme les autres son compte à restreindre son travail à ce qui est le plus approprié à ses capacités. C’est ce qui se montre en grand comme en petit. Ce qui dans un ménage particulier est intelligence ne peut pas être folie dans un grand empire ! La tâche du gouvernement se borne à protéger les sujets contre la violence extérieure, à conserver la paix intérieure et à créer et à maintenir des œuvres et des institutions publiques dont l’entretien ne profiterait à personne en particulier. Par cette dernière clause, Smith reconnaît qu’il y a des tâches qui ne peuvent s’accomplir par l’action réciproque des individus isolés, guidés tous en particulier par l’esprit d’industrie. Il faut remarquer d’une façon générale qu’en composant son ouvrage d’Économie politique, Smith se place lui-même au point de vue du « spectateur impartial ».

Bien loin d’être écarté, le point de vue éthique fait absolument le fond de l’ouvrage. S’il célèbre le système libéral, cela vient de ce qu’il est « noble et généreux ». S’il réclame pour l’individu la liberté d’agir selon le calcul de ses intérêts, c’est qu’il croit que l’individu peut « être guidé par une main invisible, pour produire une fin qu’il ne s’est pas proposée ». « En recherchant son propre avantage, souvent il travaille dans l’intérêt de la société avec plus d’énergie que s’il se proposait en effet de travailler pour elle. » — Qu’on considère le mot « souvent ».

Comme Knies l’a montré : « Die politische Okonomie vom geschichtlichen Standpunkte. Neue Aufl. Braunschweig 1883, S. 226 », on a cité cette phrase de Smith en omettant le mot « souvent ». ce qui donne à sa théorie l’apparence d’une théorie de l’harmonie absolue des intérêts égoïstes, harmonie qui rendrait superflues et même nuisibles toute sympathie et