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sagesse et à sa justice compétentes des jugements bornés et injustes de nos entourages.

D’autre part le repentir peut naître quand notre volonté contredit ce que le spectateur intérieur et impartial approuverait, alors même que personne ne saurait ce qui s’agite en nous. — L’approfondissement et l’idéalisation du sentiment moral que décrit ici Smith, auraient pu être mieux expliqués par une mise à profit de la théorie de Hume sur la tendance de l’imagination à retenir et à fortifier ses objets.

Bien que quelques moyens termes fassent défaut, l’exposé de Smith offre cependant un intérêt exceptionnel, et marque un progrès considérable dans l’intelligence du développement du sentiment moral. Il rejette l’idée d’un sens moral particulier, primordial, qui serait complet une fois pour toutes, ainsi que l’explication de toute la moralité par l’égoïsme ou par la raison pure. Il ne nie pas la grande importance de la raison pour le développement moral ; mais les expériences morales particulières dont peuvent se dériver les principes généraux et rationnels de la morale, doivent être faites selon lui au moyen de cette sympathie involontaire et instinctive pour les états et la conduite d’autrui. La raison ne coopère qu’à la généralisation, mais non aux perceptions spontanées du bien et du mal. En ce point il est d’accord avec Hutcheson, qu’il loue d’avoir été le premier à voir clair. — Dans la dernière partie de la « Theory of moral sentiments », Smith donne une excellente critique de théories précédentes, qui est maintenant encore d’un grand intérêt.

Ce qui a inspiré l’idée que les deux grands ouvrages de Smith offrent non seulement un certain contraste, mais même une certaine contradiction entre eux, c’est la grande importance qu’il attache dans l’ouvrage sur la prospérité nationale à la nécessité de permettre à l’esprit d’industrie de l’individu de se manifester librement. La source de toute richesse, c’est l’épargne et le travail ; et ceux-ci ne se développent que là où l’esprit d’industrie n’est pas opprimé. « L’instinct, dit Smith, qui nous porte à épargner, c’est le désir d’améliorer notre situation, désir, il est vrai, d’ordinaire, calme et exempt de passion, mais qui nous accompagne du berceau jusqu’à la