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instructive, qu’il donne d’Adam Smith dans son histoire de la civilisation anglaise, la méthode de ce dernier comme étant purement déductive. D’intéressants articles de sa main sur l’origine du langage et sur l’histoire de l’astronomie témoignent également de son sens historique. — Quelques années après la publication de la Theory of moral sentiments (1759) il cessa d’enseigner à l’Université et séjourna quelques années en France où la connaissance qu’il fit notamment de Quesnay, de Turgot et de Necker fut d’une grande utilité pour ses études d’économie politique. À son retour, il passa dix ans dans son pays natal de Kirkaldy, où il écrivit l’ouvrage qui lui valut la plus grande gloire, puisqu’on a l’habitude de dater de son apparition le commencement de l’économie politique scientifique Inquiry into the nature and causes of the wealth of nations (1776). Pendant ses dernières années Smith avait une situation dans les douanes d’Édimbourg, ville où il mourut en 1790.

Les deux ouvrages qui fondent la réputation de penseur d’Adam Smith, offrent entre eux un singulier contraste ; dans son ouvrage d’économie politique il prend en effet pour base l’esprit d’industrie, et dans son ouvrage de morale la sympathie. Buckle a déclaré que Smith a voulu poser chacune sous leur forme abstraite deux tendances de la nature humaine, pour permettre ainsi à la pensée une marche claire et déductive. Cette assertion se heurte au fait que le contraste des deux ouvrages est caractéristique, sans être toutefois absolu, et que Smith n’emploie pas la méthode purement déductive. Quant à savoir comment Smith s’est représenté lui-même le rapport de ses deux ouvrages entre eux, c’est une question encore irrésolue ; il n’a pas donné d’examen psychologique et historique du rapport de ces deux tendances de la nature humaine. Mais on a souvent été injuste à son égard en oubliant qu’il est l’auteur non seulement de l’ouvrage sur la richesse des nations mais encore de la théorie des sentiments moraux.

Comme moraliste, Smith enseigne que le sentiment moral ne prend naissance que lorsque l’homme vit dans la société d’autres hommes. Alors se manifeste en lui un instinct naturel qui le porte à imiter les gestes et la conduite des autres, à se mettre à leur place, à sentir et à souffrir avec eux. C’est là