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ment à de si grandes et si difficiles questions, que nous ne savons rien ? Nous dépassons de beaucoup le domaine de l’expérience, et les systèmes s’opposent aux systèmes ! Philon élève une série d’objections contre la preuve de l’existence de Dieu tirée par Cléanthe de l’ordre et de la finalité de la nature. 1o Pourquoi chercher la cause de l’ordre et de la finalité en dehors du monde ? En lui pourraient bien agir des forces produisant l’ordre et l’harmonie — peut-être après maintes révolutions et accommodations provisoires. L’habileté se développe par essais et par tentatives ; de même divers systèmes du monde ont bien pu se succéder jusqu’au jour où le système actuel s’est formé, offrant les conditions d’existence les plus favorables. 2o L’expérience nous montre que l’esprit et la pensée sont des phénomènes finis et bornés. De quel droit expliquons-nous la totalité du monde par une de ses parties ? La pensée même, comme toutes choses au monde, a besoin d’explication, et si nous nous arrêtons à elle comme cause dernière n’est-ce pas pour avoir la satisfaction de retrouver sous les choses notre propre être, de même que nous sommes portés à retrouver nos propres formes dans les nuages ? 3o Peut-on poser un problème spécial relativement au monde en tant que totalité ? Lorsque nous avons expliqué la formation des parties ou des phénomènes isolés, la formation de toutes ces parties en tant que totalité n’est pas un problème spécial. Si nous nous les représentons à l’état de totalité, c’est simplement la conséquence d’un acte arbitraire de conscience. 4o Du monde tel que l’expérience nous le montre, avec toute son imperfection, sa douleur et sa misère, on ne peut en tous cas conclure à une cause parfaite. Dans un de ses Essays (Of a particular providence and of a future state), Hume pose le dilemme suivant : s’il y a une justice en ce monde, nous n’avons pas de raison de chercher un autre monde, et s’il n’y a pas de justice en ce monde, on ne peut admettre qu’il ait été créé par Dieu. —

Philon ne prétend pas cependant nier l’existence de Dieu. Il prévient seulement de ne pas concevoir Dieu selon une trop grande analogie avec l’homme. Il déclare que la différence entre le théiste et l’athée, entre le dogmatique et le sceptique n’est après tout qu’une différence de termes : le théiste accorde