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L’éthique de Hume porte la marque d’un esprit clair et d’un cœur ardent. Mais il ne faut pas s’attendre à y trouver des éclaircissements sur des crises et des conflits éthiques profonds. Hume ne reprend même pas l’intéressante tentative faite par Hutcheson pour dériver le sentiment du devoir de la sympathie. La résistance intérieure et extérieure que l’élaboration du caractère éthique peut rencontrer ne l’arrête pas. Mais il est pleinement et clairement convaincu que la morale a pour fondement la nature humaine, et il indique la distinction féconde qui existe entre le premier motif pour le développement d’une qualité du caractère ou d’une institution, et le motif d’où provient l’appréciation ultérieure. On l’a traité souvent de sceptique, mais en tous cas cette dénomination ne convient pas pour lui en tant que moraliste. Dans un examen spécial (A Dialogue, dans les Essays) il discute les objections qui peuvent être faites au moyen des idées morales contradictoires, des us et coutumes des différents peuples et des différentes époques. On pourrait, dit-il, tout aussi bien trouver une difficulté dans le fait que le Rhin coule au nord et le Rhône au sud ! Ces deux fleuves coulent conformément à une seule et même loi, la loi de la pesanteur, dans un sens opposé, à cause de l’inclinaison différente du sol. Tout en arrivant à des résultats différents dans des états de choses différents, les hommes peuvent très bien partir du même principe. Tout ce que les hommes ont appelé bon ou mauvais a été quelque chose qui était regardé comme directement ou indirectement utile ou nuisible. Les diversités n’ébranlent donc point le principe. —

Comme économiste, Hume est le devancier le plus considérable d’Adam Smith. Il fait ressortir dans ses articles d’économie politique de quelle importance est le réveil de l’esprit industriel. La contrainte ne saurait rendre un ouvrier habile. De nouveaux besoins doivent naître avant que l’envie du progrès puisse naître. S’il ne se montrait d’autres besoins que ceux qui peuvent être assouvis au moyen du moindre rendement du sol, celui-ci ne serait pas cultivé de la meilleure façon possible. L’agriculture ne prospère qu’avec le concours du commerce et de l’industrie. Du même coup est aussi formée la classe moyenne, qui est le plus sûr et le meilleur appui de la