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pour nous demander seulement ce qu’il en est de l’idée du moi considérée comme expression de notre identité personnelle, nous nous heurtons à de grandes difficultés. Aucune sensation ou idée n’est invariable et constante. Nous trouvons toujours un état intérieur spécial donné, mais nous ne nous trouvons jamais « nous-mêmes » comme totalité. L’identité que nous nous attribuons est de la même nature que celle que nous attribuons aux objets extérieurs : ce n’est qu’une conséquence de la facilité avec laquelle nous passons d’une sensation ou d’une idée à une autre, facilité qui nous empêche de voir combien il est en somme énigmatique qu’un élément puisse faire passer à un autre élément différent de lui ! —

Hume s’entend à merveille à poser un problème. Il a la faculté rare d’approfondir si bien un concept ou une relation, que les difficultés cachées apparaissent. Par un travail énergique de pensée, il parvient à dégager la notion fondamentale qui porte toute la pensée pratique des hommes, toute leur science exacte, toute leur spéculation et toute leur religion. Il démontra qu’il y a assez de problèmes pour la philosophie, même après les grands systèmes. Mais pour bien voir son importance, il faut l’étudier dans son chef-d’œuvre (le Treatise). Dans les Essays80 l’examen est essentiellement restreint à la notion de causalité, et l’exposé, abrégé et atténué, ne peut donner aucune idée de la façon radicale dont Hume poursuit « le principe liant » sous toutes ses formes (dans la connaissance mathématique, dans la notion du moi), ainsi que de la méthode qu’il applique, surtout de l’application soutenue de la loi d’expansion. — Il reconnaît toutefois l’activité du principe de liaison, dont il démontre le caractère incompréhensible, soit en admettant que nous avons des idées non seulement des choses isolées, mais encore de leurs relations (temps et espace, analogie et différence, par exemple), soit en admettant que l’association des idées est un fait, soit en insistant sur l’importance qu’il attribue au penchant de l’imagination à s’étendre et à s’agrandir, d’après lequel la conscience tend à maintenir malgré toutes les diversités son identité avec elle-même. Tout ceci offre, il est vrai, un étrange contraste avec la différence absolue, « substantielle » des diverses sensations et idées, qui est