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les éléments de notre conscience. Mais l’activité de l’esprit, au moyen de laquelle nous concluons de la même cause au même effet, ayant une importance pratique extrême, la nature n’a pas voulu la confier à la pensée incertaine ; elle l’a fait naître dans l’instinct sûr, bien qu’obscur, qu’aucun examen critique ne saurait ébranler : la nature est plus forte que la réflexion ! (nature is too strong for principle).

Alors que la philosophie dogmatique sous ses diverses formes croyait pouvoir édifier à l’aide de la raison pure des ordres d’idées dépassant de beaucoup la sensibilité, l’imagination (imagination) est la seule faculté, après l’examen fait par Hume, qui puisse nous porter à croire à quelque chose qui n’est pas objet de perception actuelle. D’elle dépend donc la croyance en un monde extérieur indépendant de la conscience. Nous n’éprouvons pas l’existence ininterrompue des objets, mais seulement une certaine persistance et un certain enchaînement — mais cela suffit à notre imagination, qui continue son mouvement dans un sens une fois qu’elle l’a pris, pour se représenter une uniformité et un enchaînement aussi grands que possible. Nous comblons les intervalles entre nos sensations en imaginant des êtres constants. — Le même principe absolument explique l’idée du moi. L’illégitimité de la notion de substance a déjà été démontrée. Nos sensations et nos idées, dit Hume, peuvent très bien subsister sans s’appuyer sur la substance ou sans demeurer en elle. Si l’on veut fonder sa croyance en une substance psychique, il faut démontrer une sensation sur laquelle elle se fonde, et cela on ne le peut pas, car toutes nos sensations changent. Si l’on prend le mot de substance dans un sens plus vague, dans le sens de ce qui a une existence particulière, pourquoi nos sensations et nos idées, qui peuvent toutes exister à part, ne seraient-elles pas des substances ? — Hume prévient spécialement les métaphysiciens à tendance théologique de ne pas croire à une âme substance où les sensations et les idées isolées existeraient à l’état de modifications particulières, car ce serait prêter un appui dangereux au Spinozisme : c’est ainsi justement que Spinoza a conçu les rapports entre Dieu et les choses du monde ! — Mais même quand nous quittons l’idée de l’âme substance