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Cette dernière espèce de connaissance se fonde sur l’hypothèse de la légitimité du principe de causalité, — et c’est ici que Hume accomplit son exploit philosophique, de poser d’une façon définitive le problème de causalité, problème de la solution duquel dépend toute appréciation de l’importance de la science positive. Toute investigation suppose un besoin de trouver « ce qui fait la cohérence du monde dans son fond » ; dans tout problème de la science positive on retrouve le même problème fondamental, et Hume le premier le vit dans toute son étendue. Mais il faut bien se rappeler que Hume ne doute pas un seul instant que nous ne soyions obligés d’appliquer sans relâche le principe de causalité dans la théorie comme dans la pratique ; il demande seulement si cette application peut se fonder, — et en ce point il ne trouve qu’une réponse négative. Il découvre que ce qui nous détermine à admettre le rapport de causalité est la même chose que ce qui nous détermine à admettre une chose comme existante, même quand elle n’est pas donnée dans la sensation. Un seul et même examen éclaire — d’après la méthode psychologique de Hume — les deux notions de cause et de croyance (belief).

On ne saurait, pour fonder la légitimité du rapport de causalité, s’autoriser de la certitude immédiate ou intuition, car nous n’avons ce genre de certitude que pour des rapports simples d’analogie ou de grandeur. Non plus de la démonstration logique, car nous pouvons isoler toutes nos idées les unes des autres. Le mouvement d’une bille de billard est un fait absolument différent du mouvement d’une autre bille de billard. Il n’y a pas d’objet que nous ne puissions facilement penser comme existant dans un moment, et comme non-existant dans le moment suivant. Il n’y a donc pas de contradiction à dire que quelque chose commence sans cause. Les preuves essayées par les philosophes précédents (Hobbes, Locke, Clarke, — auxquels on pourrait ajouter Wolff) ne sont que des preuves illusoires. Il est clair, du reste, que si le principe de causalité était fondé par la raison (soit par l’intuition, soit par la démonstration), nous nous trouverions en conflit avec le « principe fondamental » ; car la raison posséderait alors la faculté de créer des idées complètement neuves ne provenant pas de l’expérience !