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repose sur la différence entre la sensation et le souvenir ou l’imagination. Les sensations font une impression plus forte sur nous, sont plus distinctes et se présentent dans un ordre déterminé que nous ne pouvons interrompre. En même temps nous avons conscience que nous ne les avons pas produites nous-mêmes. De là vient, dit Berkeley, la notion que j’ai de la réalité ; aux autres de voir s’ils trouveront davantage dans leur notion de la réalité. — La légitimité de la science de la nature n’est pas non plus ébranlée par cette destruction de la notion de matière. La science de la nature cherche bien à expliquer les phénomènes par d’autres phénomènes, par des causes qui doivent être elles-mêmes perçues par les sens, et non par la croyance en des substances mystiques. Expliquer les phénomènes, ce n’est pas autre chose que de démontrer que dans telles ou telles circonstances nous avons telle ou telle sensation. Ce que la science de la nature expose, ce sont les rapports déterminés et rigoureux qui règlent l’apparition de nos sensations, en sorte qu’une sensation peut être considérée comme l’indice d’une autre. Cela nous permet d’induire et de déduire. En examinant avec soin les phénomènes qui nous sont accessibles, nous découvrons les lois générales de la nature, ou nous posons certaines formules pour les phénomènes du mouvement. La science de la nature n’a affaire ni à la force, ni à la matière, mais seulement aux phénomènes. — Toute démonstration de loi relative à l’enchaînement des phénomènes et toute conclusion tirée d’une loi de ce genre reposent en fin de compte sur l’hypothèse que le créateur des phénomènes agit toujours de façon uniforme et en observant des règles générales, hypothèse qui pour Berkeley (Principles, § 107 in fine) ne peut, il est vrai, se prouver.

Quelle origine les phénomènes ou les sensations ont-ils donc, en tant que je ne les produis pas moi-même ? Alors que Berkeley croit le principe de causalité impossible à démontrer en ce qui concerne les rapports réciproques des phénomènes, il ne met nullement en doute sa valeur quand il s’agit de l’origine de nos sensations reçues passivement. Il doit y avoir une activité qui entre en action là où nous restons nous-mêmes passifs. Or notre faculté de provoquer des idées et de les changer