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des traités sur la pétrification et sur les tremblements de terre. Ce subjectiviste et cet idéaliste s’intéressait à tout ce qui appartient au monde de la réalité. Il passa ses dernières années à Oxford, où il mourut en 1753.

La fin principale, que se proposa Berkeley dans sa philosophie, lui assigne dans l’histoire de la pensée une place analogue à celle de Leibniz. Tous deux veulent faire dépasser par la pensée la conception purement mécanique de la nature, sans toutefois la nier. Ils mettent à l’épreuve les notions avec lesquelles Descartes, Spinoza, Newton et en grande partie encore Locke, opèrent sûrement comme si c’étaient des réalités. Ils prennent le système du monde construit par la science de la nature et par la philosophie non pour une réalité absolue, mais pour un phénomène. Mais alors que Leibniz décompose le système mécanique du monde principalement par la méthode objective, en ramenant le mouvement à la force et en identifiant la force à la tendance subjective des monades à acquérir des états nouveaux, Berkeley suit surtout la méthode subjective, en cherchant à montrer psychologiquement comment se forment nos idées de l’espace et de la matière — dont dépend toute la science mathématico-physique du monde. — Berkeley continue les recherches de Locke sur l’origine des idées et discute la question de savoir ce que, à vrai dire, nous pouvons savoir de plus que la réalité donnée dans nos propres sensations et dans nos idées. Il poursuit ses conclusions avec une rigueur qu’il n’aurait guère montrée peut-être malgré son amour de la vérité, si l’ardeur de sa foi religieuse n’eût été prête à restituer ce que retranchait sa critique philosophique. En rejetant l’espace absolu et la matière absolue, ce qui est le résultat de sa philosophie, il se sentait plus près de son Dieu, il se sentait en contact immédiat avec lui. Son sentiment religieux profond et primitif ne pouvait se contenter de la théologie d’horloger avec ses rapports extérieurs entre Dieu et le monde, professée par Locke, Newton et la plupart des théologiens et des libres penseurs de l’époque. Ce n’est pas toutefois comme penseur religieux, mais comme psychologue et comme philosophe critique qu’il mérite notre attention. Dans notre exposé, nous nous bornons à l’accompagner