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la matière que l’étendue et la solidité. Si l’on conçoit la matière comme passive et immobile, il faut admettre une cause surnaturelle qui la mette en mouvement. Mais un examen plus exact nous fait trouver le mouvement partout dans la nature ; il n’y a, semble-t-il, immobilité et arrêt en de certains points que pour les sens seulement ; une activité interne (internal energy, autokinesis) se montre en toutes choses à la conception réfléchie. Tout mouvement doit être expliqué par un autre mouvement, et cela est vrai, même des mouvements qui semblent se produire d’eux-mêmes, c’est-à-dire sans cause, comme ceux des animaux. La conscience ne dénote pas une interruption dans la suite des mouvements. Il faut admettre que Dieu a créé la matière active. L’ordre et l’harmonie de l’univers attestent qu’il dirige les mouvements de la matière : sans cette croyance, la formation de la vie organique notamment serait inexplicable.

L’ordre d’idées développé par Toland influa sur le matérialisme français du milieu du siècle. Il n’était pas tout à fait nouveau ; déjà Leibniz avait corrigé la philosophie cartésienne de la nature dans le même sens et à la vérité d’une façon bien plus pénétrante. Toutefois Toland propagea bien davantage la théorie de l’éternité du mouvement.

Toland développa ses idées définitives dans le Pantheisticum (1720).

Il décrit ici, dans un tableau fictif, comment dans toute l’Europe se trouvent çà et là des groupes exempts de préjugés qui se rassemblent dans de simples réunions de société, où ils discutent avec calme et avec discernement diverses questions importantes. Ils s’appellent panthéistes (terme qui paraît émaner de Toland lui-même), parce qu’ils croient que Dieu ne fait qu’un avec la force créatrice et ordonnatrice qui agit dans l’univers tout entier, et que pour cette raison il ne peut se distinguer qu’abstractivement du monde. Ils sont en désaccord complet avec Epicure et ne sont pas matérialistes. D’après eux, tous les individus particuliers sont, chacun selon son espèce, issus du mouvement et de la pensée, laquelle est la force et l’harmonie de l’univers. Ils ont leur liturgie propre et pratiquent une tolérance absolue. Leurs efforts portent sur le bien de l’État et de l’humanité, sans différence de partis. Ils tiennent leur doctrine secrète