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été élevé dans la superstition et dans l’idolâtrie la plus grossière, mais il a plu à Dieu de faire de ma propre raison, et des hommes qui se servent de leur raison, les instruments de ma conversion. » Il ne faisait pas de différence entre l’autorité du pape et l’autorité à laquelle prétendaient les ecclésiastiques protestants. Pour lui il s’agissait dès lors de choisir, comme aux débuts du christianisme, entre la claire doctrine du Christ et les doctrines embarrassées des écrits de mensonge. Toland a expliqué dans l’ouvrage cité ce qu’il considérait comme la claire doctrine du Christ. Le physicien Molyneux, un ami de Locke qui habitait Dublin, mentionne Toland dans ses lettres à Locke, d’abord avec respect ; il l’appelle (Lettre du 6 avril 1697) « un libre penseur loyal et un homme instruit » (a candid free-thinker and a good scholar). (Le mot libre penseur se présente, à ce que je sache, ici pour la première fois.) Toutefois il prit Toland en aversion à cause de sa vanité et de son penchant à faire de la propagande dans les cafés et autres lieux publics. Le clergé et les autorités ne se sentaient pas moins offensés. On prêcha avec tant de zèle contre lui qu’un homme pieux ne voulait plus aller à l’église (à ce que raconte Molyneux) parce qu’il y était plus parlé d’un certain Toland que de notre seigneur Jésus. Le livre fut brûlé et un membre du Parlement irlandais voulait voir brûler aussi l’auteur.

Dans la suite, Toland s’occupa de travaux ayant trait à l’histoire de la littérature et à la politique. Il se posa en défenseur de la succession protestante et gagna par là la faveur de la cour de Hanovre, où il se rencontra avec Leibniz. Toland fut aussi en haute faveur auprès de la reine Sophie-Charlotte de Prusse (princesse de Hanovre), femme de talent et élève de Leibniz. La reine prenait plaisir à écouter des discussions entre les théologiens de Berlin, Leibniz et Toland. Dans la préface des Letters lo Serena (1704) Toland vanta, après les expériences qu’il venait de faire, l’aptitude de la femme pour les travaux intellectuels. Serena, c’est Sophie-Charlotte. — Grâce à son activité de publiciste, Toland parvint à une situation si avantageuse qu’il put s’acheter une maison de campagne. Là, il put satisfaire son amour pour la nature et vivre « libre de chagrin ainsi que d’ambition, ayant toujours un livre en main ou en tête ».