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relief qu’elle contestait l’intervention miraculeuse de la divinité dans le cours des choses. Souvent on ne faisait guère de différence entre déistes et athées. On était enclin de prime abord à traiter d’athée toute conception nouvelle religieuse ou philosophique. Dès le début du xviiie siècle apparaît dans la littérature anglaise le mot libre penseur. Il désigne la pensée affranchie de l’autorité. Le mot peut — ainsi que le mot déiste ou athée — désigner des opinions extrêmement différentes ; aussi aucune de ces expressions n’a-t-elle une valeur philosophique. Mais c’est un signe des temps que ces libres penseurs se font plus nombreux et plus conscients d’eux-mêmes depuis le début du siècle nouveau. La littérature des déistes ou des libres penseurs n’a en majeure partie qu’une médiocre valeur au point de vue philosophique, ce qui ne retranche rien à sa grande importance au point de vue de l’histoire de la civilisation, car elle est un symptôme de la propagation des idées scientifiques et philosophiques et d’une façon générale elle indique les mouvements qui se produisent dans de plus larges milieux. Quant à poursuivre ces symptômes par le détail, c’est plutôt l’affaire de l’histoire de la littérature que de l’histoire de la philosophie. En ce qui concerne les déistes anglais, Leslie Stephen (History of the english thought in the 18 th Century, chap. III) remarque, sans doute avec raison, qu’ils étaient en tout et partout inférieurs à leurs adversaires, tandis qu’en France, c’était le contraire. Il faut en chercher certainement l’explication dans ce fait, que la résistance plus grande que l’Église catholique était à même de fournir, excitait les assaillants et mettait en mouvement des forces plus grandes ; ou encore dans ce fait, qu’en France on n’engagea pas de discussion dogmatique purement abstraite, mais que l’opposition sociale et politique était intimement liée à l’opposition religieuse et théorique. Pour ces deux raisons un enthousiasme naquit qui manquait au déisme anglais.

Un seul de ceux qu’on a l’habitude d’appeler les déistes anglais a fourni des contributions précieuses à l’histoire de la pensée. C’est John Toland. Il naquit en 1670 dans le nord de l’Irlande et fut élevé dans la religion catholique. C’est tout ce que nous savons de son enfance. Il dit dans la préface de l’ouvrage Christianity not mysterious (1696) : « Dès le berceau j’ai