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6. — Le développement du droit naturel

L’humanisme italien avait un cachet d’aristocratie intellectuelle. Sa grande importance résidait dans la fondation d’une libre vie de l’esprit. Mais il se souciait assez peu de la conduite de la vie humaine dans des sphères plus étendues. Il laissait faire l’Église, l’État et la société, pour s’occuper essentiellement de problèmes intellectuels et esthétiques. Machiavel lui-même, malgré son grand intérêt pour la nationalité et la politique, ne fait pas à vrai dire exception. Ce qui captive le plus son regard, c’est bien le développement de la puissance des gouvernants ; il n’accorde aucune attention aux forces plus profondes et aux conditions de la vie sociale. L’humanisme tomba avec la liberté politique en Italie ; mais ce fut la faute de l’humanisme, si la liberté fut abolie et s’il ne se développa pas de vie politique nationale ; cela résultait de sa conception bornée de l’idéal humain, et de la crainte qu’il avait de l’élargir et de l’approfondir. C’est aussi pour cette raison qu’il n’aborda pas la question religieuse et se contenta de l’écarter. Les nations septentrionales, où la Renaissance revêt un moindre éclat, poursuivirent et étendirent davantage l’affranchissement.

La Réforme eut le grand mérite de ne pas se contenter de tourner la question religieuse, mais de l’avoir attaquée en face et d’avoir proclamé dans le domaine religieux le même principe que l’humanisme avait émis dans d’autres domaines. La Réforme, c’est l’application de l’idée de la Renaissance au domaine religieux. Non pas que Luther et Zwingle aient commencé par s’assimiler cette idée pour l’appliquer ensuite. Ce qui fait la grandeur de ces personnages, c’est qu’ils ont découvert à nouveau cette pensée par leur propre expérience et qu’ils lui ont donné une forme absolument originale. Ils assignent directement l’expérience personnelle et immédiate de la vie comme base propre à la religion, et s’appuyant là-dessus, ils combattent l’Église et la théologie du Moyen Âge. Les facultés internes de l’homme furent affranchies de leurs formes artificielles. Le christianisme fut ramené réellement (pour employer l’expression de Machiavel), au principe dont il était issu à l’origine. Tout en n’abordant pas l’examen