Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou d’autres matières premières. C’est aux travailleurs et non aux paresseux que Dieu a donné le monde, du travail découle toute valeur économique. Voilà pourquoi l’État ne peut pas plus supprimer que fonder le droit de propriété, sa tâche se borne à l’assurer et à le protéger. Il en est de la liberté de la personne comme du droit de propriété ; l’esclavage répugne à la nature et ne peut pour cela être maintenu par l’État.

Ce qui dans la politique de Locke a une importance particulière, c’est sa façon vigoureuse de mettre en relief le pouvoir législatif. En introduisant un pouvoir législatif on n’érige pas de puissance arbitraire ; on délaisse précisément l’état de nature pour échapper à l’arbitraire. Le but à se proposer dans toutes les décisions, c’est de tenir le plus grand compte possible du bien général. Ce n’est qu’avec le consentement de la majorité qu’on peut prélever des impôts et des taxes : autrement on lèse le droit de propriété, car ce qu’un autre peut me prendre malgré moi, je ne le possède pas en propre ! — Locke demande que le pouvoir législatif soit séparé du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire78, mais le pouvoir législatif est le pouvoir suprême ; la constitution de l’État est donnée en même temps que l’institution de ce pouvoir, et au reste celui qui légifère est supérieur à ceux qui exécutent (Of govern., II, 141,143).

Mais le pouvoir suprême est et reste au peuple, et il s’exerce lorsque le pouvoir exécutif entre en conflit avec le pouvoir législatif. Aucune puissance de la terre en dehors du peuple ne peut trancher ce différend. En vertu du droit dernier, inaliénable, du droit de conservation personnelle, le peuple en appelle au ciel et fait triompher sa volonté. Mais ce n’est pas là de la révolte : la révolte est fomentée par ceux qui transgressent les lois. Cela n’amène pas non plus la dissolution de l’État, car premièrement on suppose que la majorité du peuple ressent les inconvénients qu’il s’agit de faire disparaître, et deuxièmement le peuple ne sort pas aussi facilement des gonds qu’on le croit.

L’esprit d’indépendance qui guidait Locke dans ses recherches, uni au vif intérêt qu’il portait aux grands événements de l’histoire contemporaine de sa patrie, le porta à proclamer les grands principes de la liberté du peuple, en des termes qui