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vaincre d’une chose qui répugne à la raison ; car la connaissance que nous possédons qu’une révélation vient de Dieu, ne peut jamais être aussi sûre que la connaissance que nous fondons sur la concordance ou la non-concordance de nos idées. La révélation est nécessaire. Bien qu’en effet la nature donne un témoignage suffisant de l’existence de Dieu, les hommes n’ont pas fait un usage convenable de leur raison. Par commodité, sensualité ou par peur, ils sont tombés sous la domination de prêtres superstitieux, car le petit nombre qui suivait la raison ne pouvait exercer d’influence sur la multitude. La majeure partie des hommes manquent du temps matériel et de la capacité nécessaire pour suivre la démonstration de la raison. Alors le Christ fut envoyé pour éclairer, pour fortifier et pour aider. Croire qu’il est le seigneur et maître, c’est une promesse de vie éternelle. Les plus illettrés, ceux-là mêmes dont la vie s’écoule au milieu de pénibles travaux, peuvent comprendre l’enseignement et l’exemple du Christ, tels qu’ils se présentent dans les Évangiles. Locke attache une moindre importance aux développements de la doctrine contenus dans les Épîtres. Il ne put trouver le dogme de la trinité ni dans les Évangiles, ni dans la profession de foi des apôtres.

Avec Christian Wolff (qui rappelle Locke en d’autres points encore, par exemple par son essai malheureux de fonder le principe de causalité), Locke reste comme le fondateur du rationalisme religieux. Ses écrits, et en particulier son point de vue religieux, exercèrent une grande influence sur les plus grands esprits du xviiie siècle ; Voltaire et Frédéric II sont ici au premier rang.

Mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est de voir que le rationalisme religieux se traduit par un mouvement démocratique, ce qui du reste est sans doute le cas pour tout courant religieux nouveau. En combattant la théologie de l’Église, Locke tient compte notamment du besoin des illettrés et des misérables : il demande un christianisme accessible et intelligible à la multitude. Le point de vue de Locke était toutefois encore dogmatique : il attribue une telle certitude démonstrative à la religion « naturelle » et il la croit si nécessaire pour fonder l’éthique, qu’il va jusqu’à vouloir