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il ne la rejette point. Il déclare que c’est une notion spontanée, de même que les concepts mathématiques et moraux ; et cependant il lui attribue un archétype extérieur et un fondement extérieur.

d) Philosophie de la religion.

La religion de Locke n’était pas en contradiction avec sa philosophie. Il n’avait pas besoin, ainsi que Leibniz, de tant de détours pour les concilier. En croyant prouver philosophiquement l’existence de Dieu, il croyait aussi établir la vérité de la religion naturelle par la voie de la raison ; du reste il trouva ainsi les conceptions théologiques sans lesquelles aucune éthique n’est à son avis possible. Son éthique est une théorie théologique du bonheur : de la tendance naturelle au bonheur résulte la loi indiquant à quelles conditions on peut atteindre son propre bonheur en même temps que le bonheur d’autrui ; cette loi, trouvée par le moyen de la raison et qui se résume dans la vieille maxime : nous devons agir envers autrui comme nous voudrions qu’on agît envers nous, doit toutefois, pour trouver de l’autorité, être considérée comme issue de la volonté de Dieu et maintenue par la volonté de Dieu.

Tout en pensant que la tolérance de l’État devait être étendue à tous ceux qui professaient la religion naturelle, la conviction personnelle de Locke était cependant la croyance à la révélation. Au printemps de 1695 il écrit à Limborch : « J’ai soigneusement pesé cet hiver en quoi consiste la foi chrétienne. J’ai puisé à l’Écriture Sainte même, mais j’ai écarté les opinions des sectes et des systèmes. » Il consigna les résultats de son examen dans l’ouvrage de la Rationalité du christianisme. La révélation est pour lui une extension de la religion naturelle fondée sur la raison, et d’un autre côté la raison est le contrôle constant de la croyance révélée. Dans son œuvre capitale (Essay, IV, 18, 2) il définit la foi, l’adhésion à une proposition qui se fonde non sur une induction de la raison, mais sur la confiance en celui qui la proclame comme venant de Dieu et comme ayant été communiquée de façon extraordinaire. C’est à la raison de décider si on se trouve en présence d’une révélation, et la foi ne peut jamais nous con-