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La théorie de Locke sur l’origine des idées offre une opposition tranchée entre la passivité admise dans la formation des idées simples, et l’activité reconnue dans la formation des idées dérivées : de même il ressort dans sa théorie de la légitimité de la connaissance une opposition non moins tranchée entre la connaissance sensible, qui ne peut aller que jusqu’à la probabilité, et la connaissance intuitive et démonstrative, qui offre une certitude et une nécessité pleine et entière. Cette opposition apparaît d’une façon assez singulière quand il établit la proposition dont la légitimité fonde sa preuve de l’union de la connaissance avec la réalité, c’est-à-dire quand il pose le principe de causalité. Nous formons la notion du rapport de causalité au moyen de l’expérience sensible (Essay, II, 26, 4) ; ce qui démontre la légitimité du principe de causalité, c’est l’intuition (Essay, IV, 10, 3). Et c’est de ce principe qu’il se sert en toute tranquillité soit pour conclure des idées simples aux choses qui les produisent, soit pour démontrer l’existence de Dieu. L’idée de Dieu est — ainsi que l’idée de causalité — empruntée à l’expérience, mais avec la collaboration de l’activité de combinaison et d’agrandissement (idéalisation) de l’esprit ; mais l’existence de Dieu se démontre par conclusion, alors que la légitimité du rapport de causalité se découvre intuitivement. Ici ressort distinctement le point de vue de Locke, empiriste par rapport à l’origine des idées et rationaliste par rapport à leur application. La confiance naïve avec laquelle Locke pose et utilise le principe de causalité le fait encore passer pour dogmatique. Mais en exigeant une explication psychologique et une justification qui ait le caractère d’une théorie de la connaissance, il prépara la philosophie critique. La position intermédiaire de Locke peut toutefois le mieux se voir à la notion de substance. Cette notion était la notion fondamentale qui découlait de soi-même des grands systèmes, le dernier et absolu point d’appui de la pensée. Hobbes seul avait essayé de l’ébranler, et ici comme en plusieurs autres points il fut le devancier de Locke. Locke la traite avec une certaine ironie, appelle la substance un « je ne sais quoi », et compare cette croyance à la croyance des Indous à la nécessité de l’éléphant pour porter la terre ; et cependant