Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la tête, pour que tous consentent à ne pas faire usage de leurs yeux, et l’histoire lui a donné raison.

Locke, qui ne fut jamais marié, passa ses dernières années dans la maison d’un M. Masham à Oates, près de Londres. Lady Masham était la fille du philosophe Cudworth de Cambridge, c’était une femme de talent. Il mourut en 1704 après avoir souffert plusieurs années de l’asthme. Une grande douceur, un grand amour pour ses amis, la recherche sincère de la vérité et la ferme croyance en l’importance de la liberté individuelle et politique, tels sont les traits de caractère qui prennent chez Locke un relief particulier d’après ce que nous savons de lui par ses œuvres et par ses lettres. Ce qui est bien significatif, c’est ce qu’il écrivait un an avant sa mort à un jeune ami, qui devait devenir l’écrivain déiste Anthony Collins : « Aimer la vérité pour elle-même, c’est la partie la plus importante de la perfection humaine en ce monde et la pépinière de toutes les autres vertus. »

b) Origine des idées.

Voulant demander raison à la connaissance humaine, Locke se propose d’abord pour objet d’examiner d’où proviennent les idées (ideas) avec lesquelles elle opère. Par idée (idea) il entend tout ce à quoi nous pouvons penser. Cette tâche disparaîtrait s’il y avait des idées innées à la lettre, et pour cette raison il commence par tourner sa critique contre cette opinion. — On a pensé par exemple, dit Locke, que l’idée de Dieu était une idée innée de ce genre ; de même on dit que les principes logiques et moraux les plus fondamentaux sont innés. Des propositions telles que : toute chose est ce qu’elle est, et : nous devons agir envers les autres comme nous voudrions qu’ils agissent envers nous, sont considérées comme étant à l’origine immanentes à la conscience humaine. Mais alors elles devraient être les toutes premières idées qui se présentent à la conscience. On peut facilement se convaincre qu’il n’en est pas ainsi en examinant les enfants, les idiots, les sauvages et les hommes sans instruction. La conscience de ces êtres ne renferme que des idées et des perceptions particulières, déterminées, concrètes, et non des principes généraux. Et l’expé-