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Locke insiste sur ceci, que la croyance de l’ancienne Église est contenue dans cet axiome : Jésus est le Messie. Le christianisme est pour lui l’Évangile de l’amour ; il ne prétend pas tourmenter les hommes avec des dogmes incompréhensibles (dogmes de la Trinité, de la grâce et de la damnation éternelle), il veut agrandir la loi de nature et de raison en montrant comment les hommes peuvent arriver au salut. Lui-même pensait être un chrétien croyant, et ses lettres ainsi que sa vie témoignent de la profondeur de ses sentiments religieux. Il lisait la Bible avec ardeur, et durant ses dernières années, il composa un commentaire des lettres aux Corinthiens. Mais ce qui l’attirait le plus, c’étaient les tendances chrétiennes renfermant un minimum de dogmatisme et de hiérarchie. Pendant son séjour en Hollande, il demeura quelque temps chez un quaker avec lequel il se lia d’une intime amitié. Plus tard il accompagnait à Londres le roi Guillaume lorsque celui-ci sous un déguisement assistait aux réunions des quakers pour connaître cette secte. Locke écrivit à une dame anglaise quaker que c’étaient des femmes qui avaient vu les premières le sauveur ressuscité ; de même maintenant ce serait peut-être encore par des femmes que la résurrection de l’esprit d’amour serait proclamée. Il fut en butte à de violentes attaques de la part des théologiens et comme on trouvait l’origine de sa théologie dans sa philosophie, celle-ci fut aussi attaquée avec âpreté, notamment par Stillingfleet, évêque de Worcester, à qui Locke répondit plusieurs fois par des écrits polémiques très étendus. Ce fut le dernier duel de la philosophie scolastique avec la philosophie moderne. La colère suscitée par le point de vue de Locke en théologie fut encore accrue par son affinité avec les déistes. Un ouvrage tel que celui de John Toland : Christianity not mysterious, qui parut en 1696 et fut publiquement brûlé à Dublin l’année suivante, semblait ne faire autre chose que d’en tirer la conséquence naturelle. Les écrits de Locke étant aussi lus des étudiants, les présidents du Collège d’Oxford décidèrent qu’on ne se servirait pas de l’Essay de Locke à l’Université. À cette nouvelle, Locke fit observer que ce n’est pas une raison parce qu’il y a des gens qui se mettent des œillères ou qui détournent