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aux environs de Bristol. Son père était avocat, mais prit part à la guerre civile comme chef d’une troupe de cavaliers du parti du Parlement. La tournure indépendante et libérale de sa pensée passa à son fils. L’éducation que le philosophe en herbe reçut de son père était telle, qu’en rédigeant son traité de l’éducation, qui devait faire époque, il put utiliser des souvenirs qu’il en avait gardés. Ce trait (Thoughts on Education, § 40) que l’obéissance nécessaire à l’enfance doit être peu à peu remplacée par des relations libres d’ami à ami, est un détail tiré de l’éducation que l’auteur avait reçue lui-même. Les expériences qu’il fit à l’école et à l’Université profitèrent à sa philosophie plutôt par effet de contraste. Durant six ans il alla à l’école de Westminster où il apprit les langues anciennes d’après une méthode rigoureusement grammaticale et où on le tourmenta en lui faisant apprendre des leçons par cœur et composer des dissertations latines sur des questions incompréhensibles pour lui. On ne faisait pas de sciences de la nature, si ce n’est un peu de géographie, l’été après souper. S’il met en garde contre la méthode qui consiste à apprendre par cœur et à commencer l’enseignement des langues par la grammaire, c’est qu’il en a fait l’expérience par lui-même à l’école. Lorsqu’il vint à Oxford (1652), le puritanisme et la scolastique y régnaient. Ni l’un ni l’autre ne satisfaisaient Locke. Ce qui éveilla son esprit à la philosophie, ce fut (d’après une déclaration faite plus tard par lui) l’étude des ouvrages de Descartes. Cette connaissance fut pour lui un grand encouragement, car il avait attribué ses faibles progrès dans la philosophie scolastique à son manque de don naturel en philosophie. Il étudia également Gassendi et Hobbes, et ils eurent une grande influence sur la tendance de son esprit.

On pratiquait alors à Oxford une large tolérance. Non seulement John Owen, le chancelier de l’Université, mais Olivier Cromwell, le puissant protecteur, garantissaient à tous les protestants la liberté de penser. Cette époque a laissé dans l’esprit de Locke des traces qui durèrent toute sa vie. Avec la Restauration, l’Église épiscopale reprit le pouvoir. Au début Locke avait l’intention de se faire ecclésiastique, mais sa conception libérale, latitudinaire du christianisme lui rendit ce