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(de fait), elle ne peut néanmoins être contraire aux vérités nécessaires : Dieu peut faire arrêter le soleil, mais ne saurait changer le rapport du diamètre à la périphérie du cercle. Et Wolff prétend qu’un monde où il ne se produit que rarement des miracles est plus parfait qu’un monde où ils sont trop fréquents ; les miracles n’exigent que de la puissance, mais l’ordre naturel demande en même temps une sagesse qui pense à l’ensemble et non pas seulement au détail.

Wolff lui-même fut victime du « principe de raison suffisante ». Les théologiens piétistes de Halle voyaient un danger dans le rationalisme qu’il proclamait, et lorsque dans un discours universitaire, il vanta le philosophe chinois Confucius pour la pureté de sa morale, déclarant qu’elle s’harmonisait avec sa propre morale, l’orage se déchaîna. Pour gagner le roi Frédéric-Guillaume Ier, on eut recours, paraît-il, contre lui à l’application du principe de raison suffisante aux actions humaines : on représenta au roi-sergent que si ses grenadiers désertaient, on ne pouvait d’après la théorie de Wolff, leur en demander raison. Comme Wolff le déclare dans sa biographie, on montra au roi dans un des ouvrages écrits par les théologiens ses adversaires, un passage où l’on tirait cette conséquence de son déterminisme. Alors parut (en 1723) un ordre du cabinet aux termes duquel Wolff était révoqué de ses fonctions à cause de ses théories impies et devait quitter dans les quarante-huit heures — « sous peine d’être pendu » — les provinces et États du roi. Wolff s’en alla à Marbourg, où il continua d’exercer jusqu’à ce que Frédéric II, qui était lui-même de ses admirateurs, le rappela à Halle, où il professa jusqu’à sa mort (1784).