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amis de la vérité par Christian Wolff, 1719, § 30) est la suivante : « Là où il n’y a pas de raison donnée, il n’y a rien non plus qui puisse faire comprendre pourquoi il y a quelque chose, et ainsi ce quelque chose doit venir du néant… Or, comme il est impossible que de rien il puisse se former quelque chose, tout ce qui est doit avoir une raison suffisante pour laquelle il existe. » Il est facile de voir que cette preuve se meut dans un cercle ; car dire que de rien il ne peut se former quelque chose, c’est dire que tout a sa raison ou sa cause, et c’est ce qu’il fallait justement démontrer. Au moyen de cette marche d’idées, Wolff parvint cependant à mettre complètement le dogmatisme en système. Toute certitude fut ramenée au principe de contradiction, et la philosophie devint un système de théorèmes qui pouvaient tous se fonder par la logique pure. Le principe de contradiction contient, ce dont il faut bien tenir compte pour ne pas être injuste envers Wolff, la garantie de toutes les conceptions empiriques ainsi que de tous les raisonnements. Quand je perçois quelque chose, je ne puis sur le moment faire autrement que de le percevoir ; chaque perception doit satisfaire à cette exigence. Wolff ne veut nullement transformer toute science en logique formelle. Toutefois il veut démontrer que les principes rationnels règnent partout. Le rationalisme fêta alors son triomphe.

Wolff l’applique non seulement à la conception du monde, mais encore à la théologie. Du principe de raison suffisante il avait fait dériver des propositions appartenant à la science de la nature, telles que la loi d’inertie et la loi de continuité (la nature ne procède pas par bonds, sans quoi le passage d’un état à un autre serait incompréhensible) ; de même il veut également faire dériver de ce principe non seulement l’existence de Dieu (le monde doit avoir une raison qui a sa raison en soi-même), mais encore les conditions auxquelles doit être soumise toute révélation positive. Il doit y avoir certaines marques distinctives qui permettent de discerner la révélation de la vaine imagination et de la supercherie. La révélation ne peut être contraire à la perfection de Dieu et ne peut renfermer de contradictions. Bien qu’elle soit un miracle, et qu’en cela elle répugne aux vérités « contingentes »