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par des logiciens anglais (Boole et Jevons). Toutefois cette esquisse ne fut publiée qu’en 1840 ; elle n’a donc exercé aucune influence. — Le critère de la vérité, c’est, dans le domaine de l’expérience, l’enchaînement régulier exigé par le principe de raison suffisante, de même que dans le domaine de l’abstraction, c’est le principe d’identité. Leibniz est le premier qui ait posé le principe d’identité comme principe logique fondamental, de même il est le premier qui ait posé le principe de causalité comme principe particulier de rapports donnés en fait. Par là il dégage le principe qui supporte toute connaissance réelle et, en le séparant nettement des principes purement logiques, il donne la tentation d’en discuter plus avant la nature. Ce ne sera pas un principe logique formel, ce ne sera pas non plus un principe dérivé de l’expérience ; cependant ce sera un principe rationnel qui s’appliquera à tous les rapports de fait (et cela tant dans le monde surnaturel que dans le monde naturel !) Comment cela est-il possible ? Leibniz a légué ce problème à ses successeurs. Lui-même s’est contenté de le dégager par l’analyse du mélange où il se trouvait chez ses devanciers, soit avec des principes de logique généraux, soit avec des principes spécialement physiques. Qui plus est, Leibniz ne distingue même pas nettement entre raison et cause. Cela tient à ce que le principe doit être un principe rationnel et s’appliquer en même temps aux rapports de faits, — et, en dernière analyse, à ce qu’il considère les lois des faits comme le témoignage de la raison divine, créatrice du monde74.

Toute sa vie durant, Leibniz nourrit le projet de faire une espèce d’ABC des pensées (alphabetum cogitationum humanarum), qui devait être formé au moyen de l’analyse approfondie de notre connaissance, de façon à représenter les notions fondamentales qui en étaient les conditions. Par la combinaison de ces notions fondamentales on pourrait, pensait-il, trouver ensuite des vérités nouvelles. Puis, au moyen d’un système convenable de signes, on pourrait obtenir en même temps une langue universelle qui pour toutes les notions répondrait à ce qu’est la langue des signes mathématiques pour les grandeurs. Ainsi, ce devait être à la fois une logique, une encyclopédie et une grammaire, un