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aurait abouti à une conception plus réaliste du développement intellectuel que celle qui le considère comme épuisé par le concept « des lumières ».

L’observation de soi nous donne, ainsi que nous avons vu, les premiers faits dont nous partons dans notre pensée, les premières vérités de fait. Les premières vérités nécessaires ou a priori, nous les trouvons dans les jugements identiques, c’est-à-dire dans les jugements dont on peut prouver que le sujet et l’attribut sont une seule et même notion. Les premières vérités de fait et les premières vérités a priori ont de commun un rapport direct : là le rapport de l’entendement avec son objet, ici du sujet avec l’attribut. Ce rapport immédiat est dans les deux cas la preuve qu’on ne peut atteindre rien de plus certain. Leibniz parvint de bonne heure à cette distinction entre les vérités a priori et les vérités de fait. Dès 1678 il établit cette différence (dans une lettre du 3 janvier à Conring) et il demande que tous les principes a priori soient ramenés à des jugements identiques. Pour cette raison il divise les axiomes en axiomes identiques et axiomes a priori. L’importance des jugements identiques tient à ceci : si d’autres jugements peuvent s’y ramener, par là même la valeur de ces derniers est donnée. Leibniz requiert donc la possibilité, pour tous les principes établis, d’être démontrés, tout autant qu’ils ne sont pas identiques. Il sympathise ici avec la critique que fait Locke des « idées innées » en cela que Locke voulait combattre ainsi la paresse de l’esprit et les préjugés. Mais Locke aurait dû distinguer entre vérités nécessaires et vérités de fait. Quand bien même une vérité serait innée au sens que donne Leibniz à ce mot, d’après sa conception elle doit d’abord être démontrée ; des vérités « innées » devraient être apprises tout comme d’autres vérités. L’éclaircissement peut être un dur travail et l’entière clarté ne se trouve que dans les jugements identiques. Leibniz a rendu de grands services à la logique en posant le principe d’identité, alors que la logique d’Aristote et de la scolastique s’en tenait au principe de contradiction. Il a donné l’esquisse d’une logique où chaque jugement est formulé comme s’il était un rapport d’identité. Par là il a annoncé une méthode qui de nos jours a été suivie